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414           UN VOYAGEUR ANGLAIS A LYON
questions je lui ai demandé s'il avait été baptisé, ce à quoi
il m'a répondu qu'il ne l'avait pas été, et qu'il ne voudrait
jamais l'être. Après cela, nous parlâmes du Christ, qu'il re-
connaissait pour un grand Prophète, mais non pour le fils
de Dieu ; il affirmait que pas un de ses compatriotes ne le
voudrait adorer puisqu'ils adoraient uniquement le vrai
Dieu, créateur du ciel et de la terre. Nous autres Chrétiens
il nous traitait d'idolâtres parce que nous vénérions des
images ; c'est un excellent jugement quand on l'applique
convenablement à cette sorte de chrétiens qui méritent
cette imputation d'idolâtrie. A la fin je suis tombé avec lui
en une forte argumentation en faveur du Christ et, comme
il lui était désagréable de me répondre, il quitta brusque-
ment ma compagnie.
   « Il me dit que le Grand Turc, qui s'appelle le Sultan
Achomet, n'a pas plus de vingt-deux ans, et que, soit en
paix, soit en guerre, il ne cesse pas d'entretenir et de payer
deux cent mille soldats pour la défense des pays où ils ont
leur résidence. C'est certainement pour le Grand Turc une
très lourde charge, et sur ce point je trouve qu'il dépasse
de beaucoup les anciens empereurs de Rome qui, pour suf-
fire à la dépense, avaient certainement un plus grand em-
pire et de plus grandes ressources que lui. En effet, dans
toutes leurs provinces d'Asie, d'Europe et d'Afrique, ils
n'avaient que vingt-cinq légions, dont chacune, d'après le
témoignage de Végèce, n'avait que onze cents fantassins et
sept cents cavaliers. Il y avait en outre à Rome douze cohor-
tes Prétoriennes et Urbaines pour la garde du Palais des
Empereurs ; la principale était de quinze cents fantassins et
de cent trente-deux cavaliers ; chacune des autres n'avait
que cinq cent cinquante fantassins et soixante-six cavaliers.
Comme somme, je trouve donc que le total est inférieur de
trente mille à ceux que le Grand Turc d'aujourd'hui entre-