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LA MER SAHARIENNE 123 que, c'était ouvrir la porte à un redoutable inconnu et peut-être attirer sur l'Europe occidentale d'irréparables ca- tastrophes. Ces séductions, contre lesquelles M. About cherchait à mettre en garde ses lecteurs, sont grandes, en effet. Rendre la vie à d'immenses territoires déserts et inhabitables, por- ter d'un seul coup notre puissance jusqu'au cœur de l'Afri- que occidentale, ouvrir une contrée entière au commerce et à la colonisation, il y a là une perspective suffisante pour captiver l'imagination la moins enthousiaste, et l'on com- prend que la presse se soit émue, que le gouvernement lui-même ait pris en sérieuse considération le projet du capitaine Roudaire, et qu'il ait non-seulement autorisé, mais aidé son auteur à développer et à terminer les études tech- niques, préliminaire obligé d'une pareille entreprise. Deux explorations géodésiques ont été minutieusement conduites au sud de l'Aurès ; une troisième a été envoyée en Tunisie pour vérifier par des sondages la nature des terrains dans lesquels devrait s'ouvrir le canal d'amenée de la Méditerranée et pour contrôler les travaux des premiers explorateurs ; l'Académie des sciences, les Sociétés sa- vantes, la presse se sont émues et ont discuté la possibilité de l'entreprise et les principaux résultats à en attendre. La consécration d'une opposition ardente n'a même pas man- qué aux projets de M. Roudaire. Un certain nombre d'ad- versaires ont déclaré ses plans impossibles à exécuter ; les uns ont objecté que, lors même que l'on admettrait les bases sur lesquelles ils reposent, c'est-à -dire l'existence d'une ancienne mer saharienne et la possibilité de la réta- blir en remettant son ancien lit en communication avec la Méditerranée par un canal artificiel, les causes qui ont pro- voqué jadis son dessèchement n'ayant point cessé d'agir, la création nouvelle ne tarderait pas à disparaître encore