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EXPLOSION D'UN BATEAU A VAPEUR 89 donner un grand éclat à cet essai, on avait choisi ce jour, qui, avons-nous dit, réunissait sur les quais et le pont une affluence considérable de spectateurs. L'équipage était au complet; il se composait d'une trentaine de personnes, parmi lesquelles on remarquait M. Gaillard, qui attendait de nom- breux invités pour cette circonstance solennelle ; M. Der- heims, ingénieur ; M. Steal, mécanicien ; trois autres mé- caniciens anglais; des chauffeurs, des mariniers et des hommes de service. On devait remonter le Rhône jusqu'à la Pape, où un splendide déjeûner avait été préparé pour célébrer le triom- phe du bateau à vapeur. Malheureusement, le fleuve était très gros et les eaux débouchaient furieuses des arches du pont de la Guillotière. * ** A onze heures et demie, on donna le signal du départ. Déjà le bateau avait parcouru une certaine distance, lors- que le mécanicien, s'apercevant que la rapidité du courant opposait une forte résistance à la marche, eut la malen- contreuse idée de faire activer le feu d'une manière inac- coutumée et de charger la soupape d'un poids considérable, afin d'obtenir une plus grande puissance expansive de la vapeur. On obtint, en effet, une force bien supérieure à celle que la machine pouvait donner sans danger, lorsqu'on entendit une formidable détonation : la chaudière venait d'éclater. Au milieu d'une fumée épaisse qui obscurcit le ciel, d'énormes débris de bois et de fer sont lancés dans tous les sens, les uns verticalement dans l'espace, à une hauteur prodigieuse, et les autres horizontalement jusque sur les quais et le pont, où se trouvaient des milliers de