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484 UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.
deur, malgré cette absence de grâce, il y avait dans ces
yeux noirs voilés par des cils d'une prodigieuse longueur,
dans la mobilité de cette physionomie quelque chose d'in-
défini qui eût attiré un cercle d'hommes autour de cette
enfant sauvage si elle eût paru inopinément dans un salon
d'Europe. Le comte la déclara pédante, la comtesse fut
choquée de la raideur de ses manières et, seul, Eodolphe
vanta la petitesse et la blancheur de sa main.
— Ne m'en parle pas, s'écria Vilhelmine! c'est l'orgueil
et la malpropreté en personne. Tu as remarqué la main
de cette jeune fille; mais as tu vu ses dents sales, ses
cheveux à peine peignés? Je ne comprendrai jamais
qu'un homme de goût puisse arrêter ses regards sur ces
femmes indolentes, sans soin de leur corps et sans culture
de leur esprit.
M. de Czernyi prolongea son séjour à Chirimayo plus
» qu'il ne l'avait pensé d'abord. Des fouilles importantes,
dont chacune lui apportait une richesse fossile inespérée,
absorbaient ses journées et le retenaient par une espé-
rance sans cesse renaissante des trésors à conquérir. Il
sortait du grand matin, dirigeant lui-même les péons mis
à sa disposition par D. Joaquin, et ne rentrait que pour
le repos du soir, harassé de fatigue, mais presque toujours
joyeux d'une nouvelle découverte. Pendant ce temps, la
comtesse brodait au métier, trompant par le travail l'insi-
pidité d'une résidence où nulle distraction n'était possible.
Le soir on se rangeait autour d'une table de jeu et, le plus
souvent, la famille Fleming venait prendre part à la réu-
nion. D. Fabio n'avait pas reparu. Le corrégidor, ainsi que
l'avait annoncé le vieillard, avait conçu des soupçons
contre lui; mais averti à temps, il s'était réfugié dans une
hacienda éloignée où il pouvait braver la colère de l'em-
ployé du roi.