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CHRONIQUE LOCALE Un trône glissant dans le sang, une dynastie en fuite, nos armées suc- combant sous le nombre malgré un héroïsme que l'histoire proclamera sans égal, nos villes fortes résistant avec énergie à la nuée de nos enva- hisseurs, la République établie et fonctionnant dans ia France entière, les Prussiens devant Paris, voilà le bilan du mois. Jamais la France ne s'était, vue en pareil péril. Espérons que l'union de tous et le secours du ciel nous arracheront à cette cruelle position. Lyon, la ville des guerres civiles, des souffrances et des douleurs, n'a pas été, cette fois-ci, plus éprouvé que les autres villes du centre et. du midi. La République y a été proclamée avant qu'on y sût les nouvelles de Paris. Un Comité de Salut public , protégé par une garde ne rappelant que de loin les Voraees de 4848, s'est installé à l'Hôlcl-de-Ville, le dra- peau rouge a été arbore et tout a été dit. Des lors, les affiches blanches ont afflué sur les murs ; les appels a«x armes ont succédé aux nominations, les arrêtés aux dépêches; on a dé- crété l'organisation de la garde nationale jusqu'à 60 ans, la suppression des octrois, la levée des hommes valides de 25 à 35 ans, l'admission du clergé et des ordres religieux dans les rangs de l'armée, la suppres- sion des Sœurs et des Frères pour renseignement ; on a remercié les Sœurs de Saint-Vinccnt-ile-Paul eorame hospitalières, fait des perquisitions chez les Jésuites, les Capucins, les Dominicains, les Fianciscains, dont on a fermé les maisons, visité les séminaires ies pensionnats et les couvents, arrêté quelques magistrats, le préfet, plusieurs employés de la préfecture, quelques conseillers municipaux, quelques négociants. A part cela, l'ordre le plus parfait n'a pas cessé de régner. Des estrades, ornées do drapeaux rouges, ont été dressées sur différents points de ia ville. Là se fint les enrôlements volontaires. Hommes, fem- mes, jusqu'à des enfants viennent apposer leur nom et répondre à l'appel de la patrie en danger. La ville est pleine de garde.; nationaux, de mobiles, de soldats de toutes armes dont les régiments se réorganisent. La foule entoure et interroge avec anxiété les héroïques dénris de l'armée de Sedan. Naturellement, le nouvel ordre de choses a fait eclore une foule de pe- tits journaux. No«s avons le Républicain, le Peuple souverain, la Commune, le Gnafron, l'Infaillible, que les erieurs colportent à grands renfovts d'ap- pels et d'invitation espérant un peu de telle popularité et de ce succès dont était fière la Mascarade toujours en vogue. À côté d'eux s'étalent chez les marchands : le Journal du Rhône, la République illustrée et le Guignol illustré. Au-dessus de tous, comme organisation, puissance, tirage, e t , avouons-le, comme sagesse et influence, le Petit Journal, venu de Paris à Lyon avec sa rédaction et ses administrateurs. Cette feuille, à qui un homme habile a sa donner une si grande extension, a, pour son édition des départements, un Premier-Lyon, une Correspondance et une Chronique lyonnaises. C'est payer largement l'hospitalité que nous lui donnons. De- puis le 17 de ce mois, elle s'imprime chez M. Mougin-Rusand. La vente de ces journaux est, avec la confection îles uniformes, la seule industrie prospère en ce moment. Quoique le drapeau .rouge continue , par une exception unique en France, à flotter sur notre municipalité, le Comité de Salut public s'est re- tiré paisiblement devant les conseillers régulièrement élus par la cité. La nouvelle administration fonctionne avec l'aide et l'appui de tous. Rien ne fait présager la réouverture du Grand-Théâtre. Après quelques jours de fermeture, les artistes des Célestins, organisés en société, essaient de jouer trois fois par semaine. On comprend que la terrible question du moment ne soit pas plus favorable aux plaisirs qu'aux affaires. Puisse Paris résister, le peuple se lever, l'héroïsme faire un suprême effort, et la France, en armes, laver les humiliations de ces derniers jours. A. V. Lyon, imp. d/AinÉ FINGTRINIER,directeur-gérant.