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78                      LE BOUQURT FATAL.

outrance avec les forces brutales de la nature, et celle avec les
puissances décevantes et fugitives de l'intellect. Il éprouve une
certaine ivresse à lancer son diagnostic vainqueur dans l'océan
de l'inconnu, comme le pêcheur clairvoyant jette l'épervier dans
les eaux dont il a deviné la richesse. Pris du vertige sacré ainsi
que la Pythonisse, comme elle il prophétise et perçoit avec luci-
dité les choses voilées. Son trépied, ce sont les sciences: la
chimie, la physique, la botanique, l'histoire naturelle, la miné-
ralogie , la géologie lui livrent leurs trésors ; elles se transfor-
ment en outils dociles pour seconder ses inspirations, ses expé-
riences, ses recherches et ses labeurs. Les sciences morales et
sociales aboutissent à lui par les hôpitaux, les asiles, les établis-
sements charitables de toute sorte où l'activité médicale est ap-
pelée à s'exercer. Ainsi que l'artiste que l'on voit enfiévré d'un
délire joyeux devant son chef-d'œuvre à peine achevé, le méde-
c'n ressent des transports ineffables à la vue du malade chez
lequel il a vaincu la mort. Une cure inespérée est aussi un chef-
 d'œuvre, une eréation.
   Enfin le médecin digne de ce nom est l'homme de bien par
excellence, car son âme s'épure et se vivifie au contact des mi-
sères humaines dont il est le spectateur, le redresseur et le confi-
dent. Il touche à la vie par tous ses points, au monde et à la
nature par tous ses mystères ; et l'on ne saurait douter que
cette profession, noblement exercée, ne soit de plusieurs degrés
supérieure aux sciences dont elle est la synthèse et l'abrégé;
c'est dont à juste titre que les anciens, toujours si vrais et si
profonds dans leurs mythes, avaient donné Esculape pour fils à
Apollon , faisant ainsi découler de la même source la poésie et
la médecine.
   Faut-il s'étonner après cela que tant de cœurs de haute race
s'éprennent à l'excès de cet art dès qu'ils en comprennent les
sublimités ?
   Remy était de ceux-là, et l'étude de ces riches matières fut
pour lui une série d'enchantements et de révélations inépui-
sables.
   Sa vie était sérieuse et digne ; quoique ayant un goût marqué