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ILE PAGE DU BARON DES ADRETS. 403 temps furent oubliées dans la joie de posséder le souve- rain et la souveraine. Puis la réaction se fit sanglante. La Saint-Barthélémy remplit la France d'horreur, et Lyon eut sa part de cri- mes et de deuils. Enfin la tranquillité parut se rétablir. On apprit alors que, dans un château du Dauphiné, vivait triste et so- litaire, craint de tous, et de tous abandonné, le farouche baron des Adrets devenu catholique et se livrant aux exercices d'une piété profonde. Cependant, une fois chaque année, le château de la Fretle semblait renaître à la vie. Les domestiques s'empressaient, le manoir ouvrait ses fenêtres, les vas- saux accouraient chargés des poissons délicats des tor- rents et des gibiers parfumés des montagnes. On voyait alors arriver, fier et heureux, un jeune et courtois sei- gneur accompagné d'une dame jeune et belle. De beaux enfants les suivaient à la grande joie du vieillard. Puis au bout de quelques jours, les voyageurs repartaient et les domestiques disaient consternés, en les voyant s'é- loigner, que le comte de Blancon, en s'en allant avec sa belle épouse et ses enfants, laissait la tristesse et l'en- nui derrière ses pas et emportait tout le bonheur de la maison. Tous les ans, en s'en allant, les voyageurs en emportaient davantage. Enfin un jour les cloches de la Frette sonnèrent ; un cercueil fut porté sans pompe au champ de l'éternel re- pos ; autour de la tombe qu'un prêtre bénissait, il n'y avait qu'un groupe de vassaux sombres et pensifs. Pas un mot ne fut prononcé, pas une larme ne fut versée. Ce ne fut qu'un mdis plus tard qu'une profonde et sincère