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308            ÉTUDE SUR LE PATOIS LYONNAIS.

   Puis un grand silence, un long murmure de satisfac-
 tion court dans l'assemblée, et une jeune fille, qui tient à
 faire voir qu'elle a sacrifié aux Grâces, chante en minau-
dant la romance de File, file, Jeanne, ou Jenny l'ouvrière.
 Heureux quand elle n'affiche pas sa prédilection pour le
 goût moderne en interprétant, avec gestes appris pour la
 circonstance, les couplets risqués de la Femme à barbe, ou
ceux si spirituels du Pied qui r'mue, dépouilles opimes
rapportées au village du café chantant, de l'Eldorado ou
 de l'Alcazar. Car c'est là aujourd'hui que, grâce à l'incon-
 cevable tolérance de l'autorité, notre mâle jeunesse et
 leurs naïves compagnes, ces futures nourrices de l'huma-
nité, s'en vont chercher l'objectif de leurs rêves et les as-
 pirations pour l'avenir. Voilà le brouet noir servi quoti-
diennement à nos jeunes Spartiates. Qu'on s'étonne, après
cela, de la quantité d'ilotes ivres que l'on rencontre par les
 rues, et calculez pour combien de temps encore les vieilles
moeurs et la robuste foi de nos pères, bannies du reste de
 la terre et réfugiées jusqu'ici au hameau, ont chance de
s'y maintenir. Déjà, hélas! nos campagnes n'ont rien à en-
vier aux villes , le luxe, débordant de toutes parts, y péné-
tre par toutes les fissures, et avec lui l'abandon des vieil-
les coutumes et le relâchement des moeurs. Force est donc,
si nous voulons avoir quelque idée des usages et du vieux
langage de nos pères, de ramasser les bribes éparses de ce
vieux temps en train de disparaître et de passer à l'état de
légende. En voici quelques spécimens amassés un peu de
toutes parts, et auxquels je me suis efforcé de conserver la
couleur locale, avec le soin et l'amour qu'aurait mis un
antiquaire à raccorder une statue mutilée par les Barbares
ou le temps, tout en lui conservant la patine des siècles
et le style du modèle.
   C'est, enpremière ligne, le Chant du mai. Chaque année
— vere novo — au premier souffle du zéphir, le premier
jour de mai, avant l'aube, les jeunes gens se réunissent et
s'en vont, en chantant, planter un mai ou mât enguirlandé