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258 LE BOUQUET FATAL. frait pas l'enjouement tapageur qui caractérise ces sortes de réunions. Il y régnait au contraire un silence pénible entre- coupé, à de rares intervalles, par des monosyllabes attristés. — Ainsi donc, il est mort, ce beau, ce chevaleresque, ce ra- dieux Florimond? se mit à dire un des assistants. — Hélas ! oui, répondit Raoul en soupirant. Mort dans d'atroces convulsions et d'inimaginables tortures. C'est une dé- livrance. Le mal mystérieux qui Fa tué avait pris dans les der- nières semaines une intensité telle, que l'opium à forte dose avait à peine le pouvoir de l'atténuer. Jamais patient soumis à la question n'a poussé sur le chevalet des plaintes plus déchi- rantes que ce pauvre ami. C'était chose navrante et terrible, au dire des témoins oculaires. — Et il a emporté dans la tombe le secret de ce mal étrange ? dit un des assistants. — Non pardieu pas. Il a pris soin d'en provoquer lui-même la révélation. Par une manifestation de sa volonté suprême, il a exigé qu'on fît après son décès l'autopsie de son crâne. Vous ne devineriez jamais ce qu'on y a trouvé. — Quoi donc? firent ensemble tous les interlocuteurs, avec l'accent et le geste d'une curiosité empreinte de terreur. — Au moment où l'opérateur mettait sa cervelle à nu, il s'en est échappé —• Raoul regarda ceux qui- l'entouraient, ils étaient pâles et suspendus à ses lèvres. — Achevez donc, s'écrièrent-ils. — Il s'en est échappé une très-petite araignée. — Ah! — Une de ces araignées vertes de jardin que nous voyons courir sur les fleurs et les feuilles aux jours d'été. — C'est aussi bizarre qu'affreux, dit une voix. — Ah ! je comprends tout, s'écria Lucette. Le malheureux ! c'était une araignée du bouquet. — Quel bouquet ? — De ce bouquet de roses qui fut tant disputé en mai der-