page suivante »
UN 1IAB1AGE SOUS LES TROPIQUES. 415 g-eurs. Ce fut d'abord D. Fabio, le jeune caballero qui se trouvait sur la place à leur arrivée. Il avait fait ses études dans la ville de Charcas, célèbre pour son enseig-nement des lois. Un procès légué par son père l'avait ensuite obligé à entreprendre le voyage de Buenos-Ayres, et là , mêlé à une jeunesse ardente dans le sein de laquelle cou- vait déjà le feu sacré de liberté qui devait éclater quelque temps plus tard et changer la face du pays vingt ans après, D. Fabio avait plus vécu en six mois que pendant toutes les années passées dans sa ville natale. Son intelligence rapide avait promptement compris que la civilisation venait d'Europe, et un ressentiment amer germait dans son cœur contre les maîtres jaloux qui ne savaient con- server leurs colonies qu'en les asservissant par l'ignorance. Il avait le front haut, les traits animés, et quelque incer- titude dans le regard lui donnait une pénétration singu- lière. Il était aussi plein de sympathie pour les étrangers que ses compatriotes l'étaient peu, et il se mit à la dis- position complète du comte et de sa famille. A D. Fabio succéda le général Fleming, Hollandais, gros et court, aux moustaches retroussées, et dont l'ex- pression tenait à la fois du sanglier et du renard. C'était un homme d'une grande instruction et d'une originalité étrange. Il avait fait la guerre contre les Indiens, en 1781, sous les ordres de Eéséguin et s'était assez disting-ué dans cette campagne pour que le gouvernement de Salta l'eût gratifié de terrains considérables. Plus tard il s'était laissé prendre aux traits bruns et piquants d'une jeune fille sans fortune, et s'était marié sans trop savoir pourquoi, se forgeant ainsi une chaîne qui l'avait rivé au sol depuis plus de vingt ans. Du reste il habitait peu Chirimayo ; le soin de ses haciendas l'appelait constamment au dehors, et il s'était créé une vie nomade, embellie de toutes les