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LA CAISSE D'ÉPARGNE DE LYOK. 391 ne parle aux sens dans ces dieux et ces déesses si fort au- dessus de l'humanité. C'est l'art moderne qui, plus sensuel et plus grossier, s'est complu à modeler des contours, accuser des formes, courber les corps au point de souiller les imaginations. L'art est divin, dites-vous, nous le vou- lons; mais s'il s'écarte, s'il descend, si au lieu de relever les esprits, il les abaisse, si au lieu d'instruire il corrompt, couronnez-le de fleurs et sortez-le de la place publique pour l'enfermer pompeusement dans un palais où deux fois par semaine on ira l'admirer. La pudeur publique fut tellement révoltée du spectacle offert à des collégiens de quatorze ans, que des mères de famille ne demandaient rien moins que la suppression du groupe, puis la légèreté française reprit le dessus ; après avoir disputé on se calma; on se demanda par quoi et comment le groupe serait remplacé ? Les statues étaient belles, l'artiste est un de ces hommes qui honorent une cité ; le parti de la résistance et du fait accompli l'em- porta, — Laissez faire, disaient d'ailleurs quelques esprits cal- mes, la pluie et le brouillard, la poussière et la fumée au- ront bientôt donné à ces statues le vêtement que le ciseau du sculpteur leur a refusé. Elles s'habilleront toutes seules et bientôt vos collégiens n'y feront plus attention. Ces derniers avaient raison. Le climat lyonnais a fait justice de ces nudités; une patine vénérable les enveloppe, les passants affairés ne lèvent pas la tête, et les collégiens distraits se sont eux-mêmes blasés sur le spectacle qui leur est offert. Ces discussions si vives, que rappelait dernièrement mais plus en grand, le groupe affolé de Carpeaux, eurent un immense inconvénient; elles détournèrent l'attention de l'œuvre architecturale elle-même. Personne ne fit atten- tion à ce monument sobre, calme, digne, dans lequel une simplicité de bon goût n'exclut pas la noblesse indispen- sable à un édifice public. Les journaux parlèrent tant de