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                       LE BOUQUET FATAL.                       2fil

  que les vieilles ferrnics, coiffées de leurs bonnets en couvre-
  plat, fredonnent en filant sur le pas de leurs maisons.
    Le village de L.... est encore très-arriéré, ce qui revient à
 dire qu'il a conservé beaucoup de ses poésies. 11 s'est bien gardé
 fusqu'ici d'exiler son cimetière sa dehors de son enceinte, sous
 prétexte de salubrité administrative. Ce saint et dernier asile
 est encore autour de l'église, à l'ombre de la croix qui surmonte
 le clocher haut et massif. Des haies de sureau, d'églantier et
d'aubépine en dessinent les contours irréguliers, l'herbe y croit
 drue et superbe. Des arbustes gais, tels que des rosiers, des
 troènes, des cytises abritent les tombes, plus heureusement
que ne le font les cyprès et les tuyas qu'on prodigue dans les
cimetières urbains. C'est un vrai bocage où iesoiseaux aiment
à nicher, et dispensent aux morts, soir et matin, leurs concerts
gazouillants.
    Devant la porte de l'église qui occupe le centre du cimetière,
sont alignées des pierres tumulaires couvrant la dépouille des
curés du lieu et des personnages notables de la paroisse, privi-
lège champêtre et touchant qui fait d'eux les sentinelles avan-
cées de la prière. Nul n'arrive au sanctuaire sans passer sur
leurs restes; une cendre humaine doit se réjouir au choc du
pas des vivants.
    En un mot, le cimetière de L.... n'est point un enclos de ter-
reur et de deuil, mais un refuge de prière, de souvenance et de
recueillement. Touchant mystère ; tant que le cimetière est au
sein du village, chacun l'aime, nul ne le redoute; il semble que
les morts n'ont pas quitté les vivants, et que la séparation n'est
pas complète. La vie y coudoie la mort, et toutes deux vivent
en bonne intelligence.
    Dès qu'il est relégué loin des habitants, ces liens mystérieux
se brisent; le champ du repos n'est plus qu'un dépôt importun
hanté seulement par la terreur et l'angoisse, et dont chacun fuit
le voisinage.
    Deux ans après les événements que nous venons d'esquisser,
à l'heure discrète de Y Angélus, par un de ces clairs crépuscules
d'automne où le soleil couchant empourpre royalement les hau-