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262                    LE BOUQUET FATAL.
teurs, quelques personnes pieuses venues dans l'église de L
pour la prière du soir, en sortaient avec l'attitude silencieuse et
recueillie que donne la contemplation des choses éternelles.
Deux dames drapées de noir, d'un grand air et d'austère abord,
furent les dernières à quitter l'humble basilique. A les voir,
d'allure égale et d'un pas grave et lent se mouvoir sous l'arcade
élancée du porche roman, ou eût dit deux cariatides de saintes
femmes détachées des piliers pour protéger la retraite des fi-
dèles.
    Le beffroi argentin livrait aux vents ses notes mourantes ma-
riées aux symphonies agrestes des grillons. Un voyageur qui
passait là reconnut les deux dames. Il sentit à leur aspect que
les attaches terrestres les délaissent de plus en plus et que le
sceau divin s'imprime chaque jour davantage sur leurs bons et
 augustes visages. Les souvenirs, les larmes, la prière les ont
transfigurées et leurs corps émaciés semblent deux ombres aux-
quelles il ne manque plus que des ailes pour s'envoler aux cieux.
 Il se rangea respectueusement sur leur passage et les salua d'un
 air attendri.
    Dès que la foule se fut écoulée, elles allèrent au fond du ci-
 metière et s'agenouillèrent sur ute pierre tumulaire.
    Puis, après avoir prié et fait quelques pas, l'une d'elles dit en
 soupirant :
    — Quand irons-nous les rejoindre ?
    — Le bon Dieu nous fait bien attendre, répondit l'autre.
    Elles s'éloignaient ; le voyageur s'approcha de la tombe. Il
y vit deux mains enlacées, sculptées en relief dans la pierre,
et au-dessus ces deux noms :
                        SOLANGE ET REMY.
  Leur union est désormais indissoluble.
                                       Maurice   SIMONNET.