page suivante »
84 LE BOUQUET FATAL. les regrets -, il n'est rien de si doux et de si adorable que vous ; miroir de ce qu'il y à de meilleur au monde, des flammes surnaturelles allument vos splendeurs. Tout passe en ce monde pour un homme; il voit tout tomber autour de lui; il subit la vieillesse, le désespoir, la solitude et la captivité; mais au fond de son âme il est une chose qui ne s'éteint pas plus que le soleil, c'est le souvenir d'un premier regard d'amour. VI Depuis ce jour, Solange et Remy vécurent l'un près de l'autre dans ce ravissement muet, dans cet état bizarre et charmant de deux êtres qui s'aiment et se comprennent sans se l'être dit. Ils savaient qu'ils s'appartenaient par toutes les puissances de l'âme et jamais leurs lèvres ne trahirent cette certitude. II y a, dans cette entente, des félicités plus exquises que dans l'échange des serments les mieux jurés. Le subtil rayonnement qui s'échappe de deux cœurs tacitement unis parfume l'air qu'ils respirent d'arômes étranges et pénétrants ; c'est un état de se- conde vue perpétuel dans lequel les âmes perçoivent des sensa- tions inconnues au commun des hommes. Cette chaste intimité se prolongea après la convalescence de Solange; elle et Remy vivaient et respiraient à l'unisson. Il ve- nait pendant les longues heures de chaque soir partager la soli- tude de ses deux voisines. Heures enchanteresses qui sont le dessus du panier de la vie ; qui les a connues, les regrette tou- jours ; qui les ignore, ignore la vie. Le cœur de Solange était un vrai régulateur, il devinait l'ap- proche du jeune homme. Avant même qu'il eût frappé à la porte le coup discret qui annonçait sa présence, elle avait pâli, rougi et souri tour à tour. Pour Remy, il n'abordait qu'avec des tressaillements le seuil béni de ses plus chères affections, car son amour pour Solange était un culte. Le réseau de cet amour enveloppait si bien sa vie et son être qu'il ne laissait d'issue à aucune autre préoccupation. Ses sévères études, qu'il