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252 LETTRES DE F. OZANAM. grâce à la paresse des domestiques, qui répondent toujours que le livre est prêté. D'un autre côté, la plupart des cours dont on lit avec ardeur les emphatiques annonces, sont une source de nouveaux désappointements. MM. Cousin, Royer- Collard, Guizot, Villemain, ne professent plus depuis qu'ils sont hommes d'État. Leurs remplaçants n'ont garde de les remplacer, et trouvent souvent d'admirables prétextes pour s'abstenir ; et pourtant les appointements courent, et laFrance paie ; — elle est vraiment d'un bon caractère, la France. Tout ceci n'est que matériel ; montons plus haut. — Quelle semble être aujourd'hui la situation des idées scientifiques ? quelles sont les écoles, les puissances belligérantes dans le champ de la philosophie ? Il faut considérer d'abord qu'après toutes les discussions et toutes les luttes, après tous les problèmes partiels, un moment doit venir où la raison résume tous les doutes en un seul, et pose le problème général. Aujourd'hui, ce problème est conçu en ces termes : « Pourquoi l'homme esl-il fait ? — « Quel est le but, la loi de l'humanité? » Relativement au siècle passé, il y a progrès, puisque les termes môme du problème supposent une Providence, un but, une pensée créatrice, conservatrice, — or, la question, en cet état, relève de la philosophie de l'histoire ; à la phi- losophie de l'histoire il appartient de la résoudre. Tu com- prends dès lors l'importance donnée de nos jours aux éludes historiques. Jusqu'ici tout le monde est d'accord. — Mais la scission commence au point de départ ; elle a pour objet les données même de la question. Les uns (et dans leurs rangs on compte Renjamin Constaut, Jouffroy, Quinet et les sec- tateurs de Saint-Simon) prennent la psychologie pour base de leurs recherches ; ils se font une sorte d'homme abstrait à la manière de la statue de Condillac ; dans cet homme-la, ils voient tout ce qu'ils veulent voir, et ils en déduisent une