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                      DES MOINES DE CL'JNY.                      205
de l'étude et une expression naïve des douces rêveries, des
poétiques inspirations qu'éveillent en nous le silence et les mysté-
rieuses profondeurs des forêts. Ecoutez la description que nous
fait Gilbert du séjour qu'habitent les solitaires : « Oui, comme
« vous le dites, écrit-il à Pierre de Poitiers, nous habitons les
 « forêts, et les toits de feuillage nous sont plus familiers que les
« toits de pierres ou de briques : mais notre solitude ne ressemble
« pas à celle du passereau solitaire sur son toit. » Ecoutez,
maintenant Àrnoul ; son rêve, c'est d'établir une académie au
milieu de ces bois si favorables à l'étude : « Si vous voulez quitter
« votre 'Académie, écrit Arnoul à Pierre de Poitiers, et venir
« nous rejoindre avec votre saint Augustin, nous travaillerons
« sans relâche et nous établirons une nouvelle académie         A
« dire vrai, nous souhaitons bien plus de vous voir venir à nous,
« que nous ne désirons d'aller à vous; ce sentiment est si géné-
» rai, que notre vieux taureau lui-même le partage ; épris des
« charmes de cette agréable solitude, à jeun ou bien repu, il
« ne cesse de ruminer : indefesse ruminât. » Je retrouve les
mêmes idées, les mêmes sentiments exprimés d'une manière
originale et pittoresque dans la lettre de Robert : « Quand vous
« viendrez nous rejoindre, écrit Robert, vous ne trouverez chez
« nous ni solitude, ni solitaires. Nous avons un Parnasse au tri-
« pie et non au double sommet, comme disaient les anciens
« poètes. Ici des faunes cornus, là de joyeux satyres, partout le
« bruit des animaux sauvages et le doux chant des oiseaux, rien
« qui annonce la solitude. Ne cherchez ici que des poètes à ca-
« puchons,que des moines noirs, des frères qui aiment la religion,
« la prière et la lecture     Si vous aimez les lettres et la lcc-
« ture, dit Robert en terminant, félicitez-nous d'être réunis en
« de si heureuses conditions. »
  Il me tarde, enfin, de faire entendre la voix de l'abbé lui-
même. J'avoue que je ne suis pas de l'avis d'Arnoul qui, nous
venons de le voir, trouvait dans les paroles de l'illustre abbé
quelque chose d'éclatant, une grave et sublime philosophie.
Au contraire, ce qui plaît, ce qui charme dans cette lettre, c'est
une grâce exquise, un ton enjoué et spirituel et un sentiment des