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250                 LETTRES DE F . OZANAM.

ment, il osait soutenir qu'il était faux qu'il y eût des justes
malheureux, et dés méchants épargnés dans ce monde. Hier
il confessait que les besoins intellectuels sont immenses, que
la science, loin de les combler, ne sert qu'à en faire voir
toute l'étendue et conduit l'homme au désespoir en lui mon-
trant l'impossibilité d'arriver à la perfection. ïl confessait que
les connaissances naturelles ne suffisent pas à notre esprit, et
qu'après les avoir épuisées, il éprouvait un grand vide et se
trouvait invinciblement poussé à chercher des lumières sur-
naturelles. Il reconnaissait, enfin, qu'il faudrait à la raison
un haut degré de développement pour qu'elle pût devenir la
base de notre conduite morale.
    Tu vois que de ces trois faits résulte évidemment la nécessité
d'une révélation. 0 mon cher, ils font peine, ces philosophes
du rationalisme! Si tu savais combien grand est leur orgueil,
quelle haute idée ils ont d'eux-mêmes, quel mépris pour les
autres, quel amour-propre anime leurs paroles et leurs écrits!
Si tu les voyais briguer les applaudissements de la jeunesse
qui les écoute, et au milieu de leurs forfanteries reconnaître
à chaque instant leur faiblesse et proclamer le désespoir qui
les ronge. Le désespoir!... Si lu entendais leurs attaques
contre le Christianisme, servilement renouvelées des vieilles
déclamations voltairiennes, et leurs propositions extrava-
gantes ; si, par exemple, tu leur entendais dire, pour com-
 battre les miracles, que les lois de la nature sont hors de
 notre portée, et que, par conséquent, nous n'en pouvons
 apprécier les dérogations, et que la résurrection d'un mort
 n'offrirait rien de miraculeux aux savants d'aujourd'hui ; ami,
si tu entendais, si tu voyais tout cela, ne féliciterais-tu pas le
 Christianisme d'avoir de pareils adversaires?
                                             F. OZANAM.