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110                 QUESTION DE L'OISIVETÉ

position dans les professions dites libérales, el rougissant de
prendre un métier, ont adopté le parti de ne rien faire et
mènent cette vie croupissante de la petite ville.
    Ah ! si au moins ils y trouvaient quelque ressort pour la
vie intellectuelle et morale ! Mais rien de plus mort que ces
petits centres ; rien n'y pénètre, tout germe s'y étouffe; je
voudrais en chasser nos jeunes oisifs au lieu de les engager
à finir de s'y éteindre. Qui sait? dans les grandes villes, il
y a de dangereuses excitations au mal ; mais il y en a aussi
au bien. Les moyens d'instruction, écoles et bibliothèques,
y abondent. L'art nous y entoure de ses chefs-d'Å“uvre.
L'attrait des hommes éclairés et dévoués nous y appelle.
Mais surtout, il y a ce qui semble perdu ailleurs ; l'âme s'y
réveille nécessairement au sein d'une vie collective qui sub-
siste toujours dans une grande agglomération d'hommes.
Aux moralistes pour qui il est de mode de déclamer contre
l'entraînement qui dépeuple les petits centres de population
au profit des grands, je répondrai : Commencez par organiser
la campagne et la petite ville, mettez-y de la vie ; introduisez-y
de la lumière ; car ce n'est pas seulement l'amour du plaisir
et l'esprit d'aventure qui enfante ce mouvement dont vous
déplorez les effets ; c'est un certain instinct de vie et de
développement, un besoin de respirer, pour ainsi dire.
    Notre question, comme vous le voyez, m'entraînerait,
 si je ne m'arrêtais, a de vastes sujets : l'éducation pu-
blique, les institutions sociales, et l'économie politique.
 Seulement, puisqu'on a prononcé les noms de décadence et
 de progrès, je dirai que la plus forte raison de croire à
 celui-ci, c'est la foi ardente que notre génération a dans la
 réalité de cette idée. Une aspiration générale, une attente,
 ou plutôt une certitude morale ne sauraient avoir qu'un
 objet vrai. Les philosophes ont considéré comme la preuve
 la plus frappante de l'immortalité de l'âme, la notion confuse,