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138 LE PÈRE DE LA CHAIZE. vraisemblance pour qu'on ne le mette pas au nombre de tant de faits controuvés dont Saint-Simon , aveuglé par l'esprit de parti, a si complaisamment grossi ses Mémoires. Si le P. de la Chaize usa d'une extrême modération à l'égard des Jansénistes comme envers les protestants, son indulgence ne fut jamais poussée jusqu'à la faiblesse. La preuve en est dans les nombreux libelles dus à la plume des disciples de Jansénius. Généralement ils considéraient si bien le P. de la Chaize comme un des adversaires les plus redoutables de leur doctrine , que nous savons déjà par La Beaumelle « qu'ils ne cessaient de faire des chansons, en même-temps que des prières et des jeûnes pour que le gouvernail de l'Eglise fût ôté à son ennemi. » Mais l'amitié et l'estime que professaient Racine et Boileau pour le P. de la Chaize , sans compter l'opinion favorable de Saint-Simon, ce qui n'est pas peu dire , nous montrent assez le cas que l'on doit faire de ces pamphlets contemporains. M. de Carné a fait, des disciples de l'évêque d'Ypres , un portrait frappant de vérité : « Les Jansénistes, dit-il, n'étaient pas seulement des hommes d'école, c'étaient avant tout des hommes de faction ; ils avaient de ceux-ci toutes les habiletés, toutes les ruses et toutes les audaces. On nleut jamais plus de savoir-faire pour grandir ses amis , pour abaisser ses adversaires , pour maintenir l'intégrité de sa secrète pensée sous les réserves et à tra- vers les concessions imposées par les circonstances ; on ne posséda point, au même degré, la naïveté dans l'orgueil, et la sincérité dans le mensonge. Sous Louis XIV, les Jansénistes formaient un parti dans l'Eglise, en aspi- rant à en former un dans l'État... Tous les mécontents inclinaient d'ins- tinct vers ce parti si fort par son union, si redoutable par la puissance de ses haines et qui devait se venger cruellement un jour en donnant sa pensée sur le grand règne par la plume de Saint-Simon » « Le jansénisme, ajoute ce publicistc, fut la forme la plus sérieuse que revêtit en France l'opposition, jusqu'à la révolution de 1789, avec laquelle il ne tarda pas à s'associer pour le malheur de celle-ci (i). » C'est à ce dernier point de vue qu'il nous reste à examiner le jansénisme. Un de ses foyers les plus dangereux, après Port-Royal, c'était le Parlement de Paris. Depuis la Réforme surtout, que plusieurs de ses membres avaient embrassée avec chaleur, ce corps judi- ciaire n'avait cessé d'entretenir un redoutable levain d'indépen- (1) Correspondant du 25 octobre 1856.