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 200                  ÉTUDE SUR LES MOEURS
  ramené au lond d'un cloître , sans se trouver en face d'un
  abbé ! Si j'ajoute, que le monastère dont je veux vous entre-
 tenir, n'est pas un couvent obscur, mais ce fameux monas-
 tère de Cluny qui, suivant la parole d'un pape, brillait dans le
 monde comme un autre soleil, et que l'abbé que je vais mettre
 en scène n'est pas un personnage vulgaire, mais l'illustre Pierre-
 le-Vénérable, une des plus nobles figures de notre Bourgogne,
 l'émule et l'ami de saint Bernard, le consolateur d'Héloïse et
 d'Abélard, peut-être me pardonnerez-vous d'avoir osé prendre la
 parole, à cette séance publique et au milieu de ce concours de
 savants auditeurs ?
    Pierre-le-Vénérable , fut non seulement un grand saint,
 un administrateur habile, un homme qui exerça sur les affai-
 res de son temps une influence considérable, ce fut aussi un
 grand écrivain, un ami, je dirai plus, un protecteur des lettres.
 « Son principal attrait, dit l'auteur de l'Histoire gallicane, était
 « l'étude, de même que le principal attrait de saint Bernard était
 « la prière. » « Les livres, vous le savez, écrit-il à Pierre de
 « Poitiers, et surtout les ouvrages de saint Augustin, sont pour
 « moi plus précieux que l'or. » « L'Eglise de Liège, écrit-il encore
 « à l'évêque de cette ville, a fait à Cluny un don plus précieux
 « que l'or et les diamants, quand elle lui a donné ces hommes
 « émincnts,... les chanoines Hézelon, Tézelin et Alger, maîtres
 « illustres dans le siècle, disciples de l'humilité, et moines, je
 « puis le dire pour l'avoir vu de mes propres yeux, moines irré-
« prochables. » « Son ardeur d'investigation allait si loin, dit
« Raoul, son disciple, et son premier biographe, qu'absorbé par
« ses lectures pieuses, il oubliait tout, et les siens et lui-même;
« il avait autour de lui des docteurs qu'il ne cessait de con-
« sulter pour s'instruire , quoique tout le monde admirât son
« merveilleux savoir. » Mais, ce savant n'était pas un docteur
qui pût, comme Hugues de Saint-Victor, cultiver en paix l'étude
dans la solitude du cloître , ou qu'une nature ardente entraînât,
comme Abélard et Guillaume de Champeaux, vers les luttes de
l'école ou les brûlantes conlroverses. C'était le chef d'un grand
peuple monastique, un prince de l'Eglise qui avait des intérêts