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                      LE JEUDI-SAINT A ROME.                       59

 avant le Christianisme, la société humaine avait depuis longtemps
 perdu cette vérité. Mais la loi d'humilité et d'amour envers son
 frère, voilàle précepte, le dogme sublime prêché, préconisé depuis
 bientôt deux mille ans par l'Évangile, et au-delà duquel l'homme
 et Dieu même* ne pourront jamais rien trouver ou inventer. L'É-
 galité, c'est l'homme retranché dans son moi, debout sur son in-
 dividualité hautaine, en guerre avec tout ce qui l'entoure, pour
 défendre des droits que son amour-propre exagère, et leur fai-
 sant sans cesse franchir, au détriment de ses semblables, des
limites que malgré tous ses efforts la loi ne peut jamais assez
nettement, assez complètement définir ! l'humilité, la charité
 évangélique, c'est l'homme pénétré du sentiment de son néant,
ne se reconnaissant que des devoirs envers ses frères comme
envers Dieu ; se considérant ce qu'il est en effet, un atome perdu
dans la multitude innombrable des créations, dans les espaces
sans bornes de l'infini ; ne se connaissant d'autre grandeur que
d'avoir existé dans la pensée divine avant même d'apparaître au
jour ; d'autre gloire que d'être la créature de l'Être souverain,
l'objet de sa sollicitude, de son amour, le racheté du sang d'un
Dieu et l'appelé par le ciel à des destinées immortelles. En même
temps, il voit resplendir ces mêmes traits, ces mêmes grandeurs,
ces mêmes destinées dans chacun de ses semblables ; dès lors
le respect, la révérence, l'amour qu'il leur porte, qu'il leur té-
moigne. Et comme l'homme de l'égalité craint toujours qu'on
ne fasse pas assez pour lui , l'homme de la fraternité , de la
charité évangélique craint toujours de ne pas faire assez pour
les autres. L'homme de l'égalité, c'est l'opprimé qui se venge ;
l'homme de la charité, c'est le martyr qui pardonne à ses bour-
reaux ; l'homme de l'égalité, c'est la puissance, la fortune dédai-
gneusement arrogantes ; l'homme de la charité, c'est le mission-
naire qui a tout sacrifié à la croix, la sœur de Saint-Vincent-de-
Paul ; l'homme de l'égalité, c'est l'autorité sèche et aride ,
l'abstraction, la lettre morte de la loi; l'homme de la charité, c'est
le souverain pontife aux genoux des pèlerins, c'est le Christ
lavant et baisant les pieds des apôtres.
  Le prince royal de Prusse était présent à cette cérémonie et