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LE PÈRE DE LA CHA1ZE. H3 N'est-ce pas là , en effet, le caractère le plus saillant et le plus persistant du jansénisme que cet implacable orgueil qui entrete- nait sans cesse parmi tous ses adeptes l'esprit de révolte contre les décisions de la cour de Rome ? Si plusieurs Jansénistes se si- gnalèrent par leur austérité, que faut-il en conclure, sinon qu'ils furent soutenus par un stoïcisme trop présomptueux pour qu'il soit permis de le rattacher à l'essence même du Christianisme, et, dans tous les cas , ne serait-il pas vrai de dire que ces hom- mes valaient mieux que leur doctrine ? C'est précisément parce que la pureté de leurs mœurs donnait une sorte de sanction morale à l'hérésie , qu'elle en propagea si facilement le cours dans tous les rangs de la société. De toutes les vertus du Chris- tianisme, l'une des principales c'est l'humilité, et ce fut la moin- dre de Port-Royal. « Qu'on viennfc nous vanter la piété, les mœurs , la vie austère des gens de ce parti, disait Joseph de Maistre qui avait sondé si profondément l'es- prit de la secte. Tout ce rigorisme ne peut être en général qu'une masca- rade de l'orgueil qui se déguise de toutes les manières ; même en humilité.» « Comment une telle secte , se demandait-il encore , a-t-ellc pu se créer tant de partisans et même des partisans fanatiques ? Comment a-t-e!lc pu faire tant de bruit dans le monde ? Fatiguer l'Etat autant que l'Eglise ? Plu- sieurs causes réunies ont produit ce phénomène. La principale est celle que j'ai touchée. Le cœur humain est naturellement révolté. Levez l'éten- dard contre l'autorité , jamais vous ne manquerez de recrues. Non servimii (Jérémic). C'est le crime éternel de notre malheureuse nature. Le système de Jansénius, a dit Voltaire, n'est ni philosophique, ni consolant, mais le plaisir secret d'être d'un parti, etc.(l). Il ne faut pas en douter, tout le sys- tème est là . Le plaisir de l'orgueil est de braver l'autorité, son bonheur est de s'en emparer , ses délices sont de l'humilier. Le jansénisme présentait cette double tentation à ses adeptes , et la seconde jouissance surtout se réalisa dans toute sa plénitude , lorsque le jansénisme devint une puissance en se concentrant dans les murs de Port-lloyal (2). » A l'extrémité du jardin du Luxembourg , du côté de l'Observa- toire, s'étendent dévastes terrains clos de murailles et coupés par une rue déserte qui se nommait autrefois la Bourbe. Là fut Port- Royal de Paris (3). Le monastère , occupé par les religieuses, était d'abord isolé de toute habitation ; mais, peu à peu, à me- (1) Siècle de Louis XIV , chap. xxxvn. (2) J. de Maistre. De l'Eglise gallicane , p. 33. (3) Il ne faut pas confondre ce monastère avec la fameuse abbaye de Port- Royal des Champs, qui était située à six lieues de Paris, près de Chevreuse. 8