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DES CLASSES RICHES. 107 mauvaises institutions sociales qui font naître les mauvaises mœurs. Notre collègue, qui sollicite par tous les moyens propres à l'exciter, le réveil de l'esprit de travail et d'activité dans la jeunesse des classes riches, lui propose, comme un prix digne de ses efforts, la carrière des emplois publics. Mais M. Rigault pense que mieux vaut, à tout prendre, un pares- seux qu'un ambitieux, et qu'il n'y a pas a gagner à changer l'oisiveté contre la servilité. L'un et l'autre de ces deux moralistes a raison ; seulement, l'un considère ce qui est, et l'autre ce qui devrait être. Une société compliquée comme la nôtre a besoin, pour son service, dans une multiplicité de hiérarchies, d'un personnel aussi nombreux qu'une armée. En soi, il n'y a rien qui soit un but plus légitime du travail que de se rendre digne de servir le public, et rien de plus honorable que de le faire avec un zèle qui n'entraîne pas le sacrifice de la dignité personnelle. Il n'est pas absolument nécessaire pour cela, et si cela est, c'est un état de choses accidentel, que la personne abstraite qui s'appelle l'État tienne seule la porte qui donne accès dans la carrière, que, seule, elle y fasse marcher qui elle veut, et arrête ou re- pousse qui elle veut, sans égard aux mérites spéciaux et constatés par des épreuves légales. Il n'est pas absolument nécessaire que, hors de son service hiérarchique, le fonc- tionnaire ne s'appartienne plus dès qu'il appartient au budget, et que, pour avoir touché, sous la forme d'appointe- ments, la rémunération de sa peine, il ait abdiqué cette dose de liberté qui n'est pas refusée au commun des citoyens. Cela n'est pas nécessaire ; autrement le fonctionnaire serait dépouillé de cette intégrité de dignité qui est un des côtés essentiels de la conscience. Notez que la durée moyenne de la carrière publique, parmi nous, est de trente années, puisqu'après ce laps de temps, le fonctionnaire présumé