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96                           CHRONIQUE LOCALE.
           Mais je vous connais mieux, malgré votre silence :
           Le poète a chez vous bien des secrets amis,
           D'autres vous ont crus morts et vous pleurent d'avance,
           Frères de Roméo, vous n'êtes qu'endormis.
    On voit que cette haute poésie, qui a terminé la séance de l'Académie,
 est une réponse à cet enseignement dissolvant qui préconise avant tout la
gaîté gauloise des Rabelais, des Voltaire, des Béranger et des Musset, à
ces leçons qui donnent pour modèles le sceptique Montaigne ou le licen-
cieux Régnier. Espérons qu'entre les deux voix qui la sollicitent, notre
jeunesse saura faire son choix et qu'elle répondra aux partisans des grelots
de Thespis, comme Louis XIV aux admirateurs des gueuseries de Callot.
    —Notre culte pour le beau, le pur et l'idéal bien établi, nous serons plus
à notre aise pour parler du magnifique volume qui vient de paraître chez
M. Cheuring, libraire, rue Boissac : Sonnets humouristiques, par Joséphin
Soulary, édition revue et complètement refondue par l'auteur. — Lyon ,
Louis Perrin, petit in-8, caractères du XVI e siècle, papier teinté, portrait.
   La Revue du Lyonnais a plusieurs fois parlé de ces sonnets dont les
premiers ont déjà été publics, à différentes époques, en minces brochures
et dont elle a eu quelquefois même le bonheur d'offrir la primeur à ses
abonnés. Le sonnet de M. Soulary est souvent aussi peu vêtu que l'Apollon
antique , l'expression est crue, l'idée est à peine voilée ; mais à côté de
ce que nous n'osons quo timidement appeler une faute et un défaut, tant le
beau brille dans ces vers, on trouve tant d'énergie, de concision, de philoso-
phie droite et vraie, d'image saissante ; il y a tant d'harmonie pour l'oreille,
de pensée pour l'intelligence et pour le cœur, que nous n'aurons pas le cou-
rage de mettre un caillou sur la route du triomphateur, et qu'en fermant ce
livre sous clé pour qu'il ne tombe pas entre les mains des jeunes filles, nous
le tiendrons toujours à notre portée pour le lire à chaque instant.
   Un beau portrait par M. Guy précède le recueil. L'impression de cet
ouvrage est un chef-d'œuvre de typographie, et dans un siècle ou deux ,
quand les Sonnets seront tombés dans la littérature classique et répandus
dans toutes les bibliothèques avec les modèles de notre langue, l'édition
de 1858 sera recherchée par les amateurs et les exemplaires seront payés
au poids de l'or, comme les éditions princeps de Louise Labé et de Pernette
du Guillet.
   JSous avons parlé tout à l'heure des poètes qui honorent notre cité :
nous les prions de faire une petite place pour admettre et faire asseoir
M. Soulary à côté d'eux.
    — Les vivants ont pris la place des morts ; nous pourrons à peine
parler d'un prêtre érudil, d'un habile polémiste, de M. l'abbé Cattet, ancien
grand-vicaire du diocèse de Lyon, décédé le 30 juin, à l'âge de 71 ans. Les
savants connaissent ses ouvrages, les pauvres, l'hospice qu'il a fondé.
   — Voici la liste des souscriptions à 2 fr. que nous avons recueillies pour
le monument de Brizeux : MM. Javelin-Pagnon , Testenoire-Lafayette ,
Pierre Sylvestre , Paul Dumarest, Noël Desjoyeaux , Victor Smith, un
Anonyme, la Revue du Lyonnais. — Total : 16 fr.
   — Un artiste de mérite, M. Bernard, architecte, nous a donné po.ur la
Revue du Lyonnais une charmante eau forte, inédite, précieuse pour nous
en ce qu'elle représente des ruines aujourd'hui à moitié détruites et tout
à fait noyées dans les murs neufs d'un restaurant, à l'angle du chemin de
Loyasse et de la rue du Jugc-de-Paix. On aperçoit dans le lointain le pont
de la Mulalièrc, au confluent du Rhône et de la Saône. Le costume des
personnages nous indique à quelle époque ces ruines s'étalaient encore
dans toute leur splcndidc beauté.                             A. V.

                         Aimé    VINGTRINIER,       directeur-gérant.