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415 « signe cet épis de fleurettes sous le nom des yeux de la sainte « Vierge , et ce nom est presque aussi aimable qu'elle , car il « n'y a rien qui peigne , mieux qu'elle, à l'esprit^ la tendresse « d'un œil bleu et la suave douceur d'un regard (1). » Je quittai avec peine ce lieu où mon ame avait trouvé le calme des passions ; c'était le site de mes r ê v e s , et je me pro- posai d'y revenir souvent. Le soleil approchait de la fin de son cours. Des nues serei- nes étaient arrêtées çà et l à , dans l'azur du ciel; quelques teintes de rose flottaient autour de l'astre du jour. Je me diri^ geai alors vers la colline du Mont-Cindre, pour y jouir de la solitude. J'allai m'asseoir près de l'hermitage sous les arbres qui en font un lieu ravissant. Délicieuse journée du plus beau printemps que l'homme ait jamais salué ! L'air était si douce- ment f r a i s , si p u r , qu'en le respirant on semblait respirer et boire la vie ! Le soleil descendit en ce moment sur le som- met des montagnes de la Loire vers l'horizon éclatant du Beaujolais ; les neiges lointaines des Alpes se couvraient de r o s e , et les côtes Beaujolaises rapprochées, que le soleil franchissait en cet i n s t a n t , se teignaient de violet pourpré ou (1) Cette petite fleur eut été chez les anciens le sujet d'une touchante mé- tamorphose , peut-être moins touchante que la vérité. On raconte eu Allema- gne , que deux jeunes amants, à la veille de s'unir, se promenaient sur les bords du Danube : une fleur d'un bleu céleste se balance sur les vagues , qui semblent prêtes à l'entraîner. La jeune fille admire son éclat et plaint sa des- tinée : aussitôt, l'amant se précipite , saisit la tige fleurie , et tombe englouti dans les flots. On dit que, par un dernier effort, il jetla cette fleur sur le ri- vage , et qu'au moment de disparaître pour jamais, il s'écriait encore : Aimez-moi, ne m'oubliez pas. Depuis ce temps, Pour exprimer l'amour , ces fleurs semblent écloie , Leur langage est u n mot , mais il est plein d'appas. Dans la main des amours , elles disent encore : AlIYIEZ-MOI, Nlî M'OUBLIEZ PAS. (Lettre a Sophie, par AimC Martin, ie lettre).