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 « d'être cl de penser : tous les désirs trop vifs s'émoussent ;
« ils perdent cette pointe aigûe quiles rend douloureux, ils ne
 «laissent au fond du cœur qu'une émotion légère et douce ;
« et c'est ainsi qu'un heureux climat fait servir à la félicité de
.tl'homme les passions qui font ailleurs son tourment. Je
« doute qu'aucune agitation violente , aucune maladie de va-
« peur put tenir contre un pareil séjour prolongé
  Mais un grand écrivain de notre siècle , s'est trouvé en dé-
sacord avec Rousseau ; c'est M. de Chateaubriand.
  « Plut à Dieu , dit-il, qu'il en fut ainsi! qu'il serait doux de
« pouvoir se délivrer de ses m a u x , en s'élevant à quelques
« loises au-dessus de la plaine ! malheureusement l'ame de
« l'homme est indépendante de l'air et des sites ; un cœur
« chargé de sa peine n'est pas moins pesant sur les hauts lieux
« que dans les vallées. L'antiquité qu'il faut toujours citer
« quand il s'agit de vérité de s e n t i m e n t s , ne pensait pas
« comme Rousseau sur les montagnes ; elle les représente au
« contraire comme le séjour de la désolation et de la douleur.
« Si l'amant de Julie oublie ses chagrins parmi les rochers du
« Valais, l'époux d'Eurydice nourrit ses douleurs sur les
« monts de la Thrace. Malgré le talent du philosophe gene-
« vois , Je doute que la voix de Saint-Preux retentisse aussi
« long-temps dans l'avenir que la lyre d'Orphée. OEdipe, ce
« parfait modèle des calamités royales , cette image accom-
« plie de tous les maux de l'humanité, cherche aussi les som-
« mets déserts :

          . . Il va du Cithéron remontant vers les cieux ,
           Sur le malheur de l'homme, interroger les dieux.
   M. de Chateaubriand , après avoir cité à l'appui de son opi-
nion , une autre antiquité plus belle encore et plus sacrée ,
c'est-à-dire, celle que nous offre l'écriture s a i n t e , continue
ainsi :
  « Il n'y a qu'une seule circonstance où il soit vrai que les
« montagnes inspirent l'oubli des troubles de la terre ; c'est