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  que nos ancêtres appelèrent long-temps le rameau des spec-
 tres et le vainqueur des poisons ; c'est alors que la jeune fille
 des Gaulois , sortant des bois du Mont-d'Or, au milieu de la
 n u i t , traversait mystérieusement sur un léger esquif, les
 flols ombragés de YArar , et descendait dans cette î l e , où elle
 devait rester cachée dans l'épaisseur des bruyères. Près du
 lieu où s'élève un rocher isolé, était une solitude impéné-
 t r a b l e , d'où , selon une tradition populaire , les arbres deve-
 naient autant de flambeaux qui éclairaient les solennités
 d'un culte formidable. Après ces c é r é m o n i e s , les mille lu-
 mières qui brillaient dans celle profondeur, s'éleignaienî,
 et une obscurité plus grande ressaisissait les bruyères
 mystérieuses (1). Dans cetle solitude , la haute pierre du m o -
 nument druidique, dont l'ombre concourait, il y a plus de
 deux mille ans , à ces solennelles terreurs de la n u i t , a été
 brisée p a r l e christianisme. Une croix de bois, plantée au coin
d'un rocher agresle et sauvage, devint le point de ralliement
 des premiers chrétiens persécutés , qui^ après avoir erré sur
 les bords de celte île^ un inslantinhospitalière, trempèrent son
 sol de leur sang (2). Ainsi commença le culte de Marie ; un
tronc d'arbre fut son premier temple ; plus tard elle eut un
 sanctuaire qui devint une merveille. Les rois et les peuples ac-
couraient à l'envi sur ses bords , pour déposer leurs offrandes
sur son autel. Que de prières résonnèrent alors sous les ra-
meaux des arbres qui jusque-là avaient élé muets ! Quel dais
plus simple et plus touchant! aussi, dès ce m o m e n t , ces nou-
veaux soldats de la foi, après avoir donné dans cetle retraite ,
l'exemple de la pauvreté el de l'humilité évangélique , firent
place a u n e de ces sociétés d'hommes qui, dans tous les temps,
éloignés du monde par des malheurs , s'occupèrent de l'élude


   (1) Gaule poétique.
   (2) Les restes de ces illustres martyrs étaient encore ensevelis, au XVIe
siècle, sous les pierres tumulaires dont les cloîtres des églises de l'Ile-Barbe
étaient pavés.