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85 aux peuples que tout est pour le mieux ainsi, qu'eux seuls ont tout fait ^ qu'eux seuls sont heureux, dignes, justes et savants de science infuse. Qui ne comprendrait après cela comment nous persistons à suivre notre mauvaise route ! Honte aux privilégiés, représentants avoués de cet égoïsme, qui, le nourissant, l'exhalent, parce qu'eux seuls doivent en profiler! Mais quelque soit d'ailleurs le principe origi- naire de cet égoïsme dégradant qui nous envahit, il est cer- tain qu'il existe ; et si quelques idées généreuses germent en- core en nous, leur développement en sera indéfiniment re- tardé. Il faut donc courir sus à l'infâme ; il faut saper, à .toute force, ce piédestal odieux sur lequel s'appuie le mépris de notre siècle pour les arts ; persuader à l'homme que la possession matérielle n'est pas exclusivement le bonheur ; tâcher, en un mot, d'arriver à l'émancipation intellectuelle., sans ébranler, sans attaquer l'instinct de la possession ; car désormais toute attaque contre la propriété doit être funeste à qui la lente. Laissons donc la propriété exister et continuer sa marche progressive , mais posons à côté d'elle et soutenons le goût des arts, sans lesquels toute nation , quelque puissante en fait qu'elle soit> ne saurait avoir la moindre influence morale. Il est reconnu, en effet, que l'empire de l'imagination, l'ad- mission des pouvoirs créateurs de l'ame, la juste apprécia- tion du sentiment, peuvent seules exciter, soutenir les grandes idées, former les hommes remarquables en tout genre, réveiller l'amour, la passion même des belles et bonnes choses, rendre à l'état son ancienne élévation, au citoyen son zèle presque éteint, à nos voisins et à nous le respect et la confiance dus au génie. Or, pour arriver à la régénération des idées et des choses, il faut détruire d'abord jusqu'à sa racine le mal que nous a fait notre caractère d'eni; prunt froid et calculateur. Partant, il faut résister aux sys- tèmes et renverser les privilèges.