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          IL FAUT SE MÉFIER DES JUGEMENTS OU PEUPLE.



    Les privilégiés en fait d'arts, je parle de ceux qui possèdent
 des privilèges matériels, au lieu de lutter contre la décadence
 du goût à différentes époques, se sont laissés aller eux-mêmes
à leurs tendances désordonnées. La fortune leur a souri; delà
ils ont conclu que cette voie était la meilleure ; le peuple
les a imités en les voyant chargés de distinctions honorifi-
q u e s , abreuvés de récompenses qu'il supposait légitimes et
méritées. Il les a ensuite vénérés et portés aux nues avec la
partialité toute brutale qui caractérise ses décisions.
    Les privilégiés, je veux dire les académiciens, et je parle
toujours de ceux qui sont à tort censés représenter l'état des
 arls en France, rendirent en monnaie au peuple les honneurs
 qu'ils avaient reçus des hautes classes et des autorités dispen-
 satrices.
    Si quelqu'une de leurs froides et inutiles productions r e n -
contrait des censeurs, vite on en appelait au p e u p l e , on ar-
gumentait d'après son silence, et l'on partait de son adhésion
 aux idées académiques comme d'une chose connue et inat-
taquable pour renverser les échafaudages informes des nova-
teurs, et rendre au bon goût sa stabilité un instant ébranlée.
 Vox populi, voxDei, criait-on, et le peuple, flatté de la com-
paraison , répondait avec enthousiasme par des vivat sans fin :
« Vivent les académiciens ! vive le Louis XIV de la place Bel-
lecour! vive Jean-Jacques Rousseau en manteau r o m a i n !
vive l'Arc du Carrousel! vive la Colonne romaine de la place
Vendôme. —
   — Ce bon p e u p l e , disait-on, comme il nous a i m e , et
qu'il est plein de goût: —
   E t , en effet, le peuple est bon quand on sait le p r e n d r e ,
l'amuser, le flatter, lui plaire, mais pour le flatteur, l'amu-
seur , le plaisant seulement ; pour les autres il est c r u e l , car il