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                   M. VICTOR DE LAPÃIADE.                    495
  Serve aux miens de rachat et me soit un baptême !
  Ah ! le cœur du soldat a besoin de pardon ;
  Il a suivi sans frein les passions humaines....
  Mon Dieu! mais pour son peuple ouvrant toutes ses veines,
  Aujourd'hui qu'il se brise, acceptez-en le don.
  Oui, mes jours ont des sens subi le vain tumulte ;
  J'ai, dans ma fougue, ô Christ, oublié votre culte ;
  Mais, au fond, j'ai gardé l'amour de votre loi.
  T'ai, du lait maternel, reçu votre doctrine;
  Comme le coeur qui bat caché dans la poitrine,
  A côté de l'honneur la foi vivait en moi.
  Ferme dans cette foi mon âme à vous s'élance.
  Faites, par votre flanc percé du fer de lance,
  Que ma mort, pour rançon, ne s'offre pas en va^n ;
  A ces flots de mon sang qui coule ici, sans gloire,
  Mêlez, pour lui donner la force expiatoire,
  Une goutte, ô Jésus ! de votre sang divin.
    Le dernier ouvrage de M. de Laprade, les Symphonies,
s'ouvre par une dédicace à son père. Nobles accents de piété
filiale trop rares en ce temps, et que Dieu a deux fois bénis,
en donnant à l'admirable beauté des vers el aux sentiments
exprimés la consécration d'un applaudissement unanime.
Que ce soit l'honneur du père el la récompense du fils que
chacun, en lisant, se soit demandé si le poêle avait été la
voix ou l'écho, el que tous aienl pu lui répéter ce mot d'un
homme illustre : « Vous n'avez rien pensé que je ne l'aie dit,
et rien dit que je ne l'aie pensé. »—Si, dans les morceaux con-
sacrés à sa mère, M. de Laprade a eu des notes d'une inef-
fable tendresse, dans le chant qu'il dédie à son père, le ton se
proportionne au sujet, et je ne crois pas que depuis Corneille,
la poésie française ait jeté un cri plus mâle el plus fier. On
y sent vibrer comme un accent du Cid ou des Eoraces, ces
saintes exaltations de l'honneur, purifiées par le courant des
idées chrétiennes qui grandissent le poète el relèvent jusqu'à
ce degré de passion sublime qui est le génie :
  Quand j'eus pris pour devoir la sainte poésie,
  Effrayé'de ma tâche après l'avoir choisie,