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494               M. VICTOR DE LAPRADE.

mettra de ciler ce morceau dîme si saisissante actualité,
comme un hommage rendu h celle admirable armée qui
semble avoir pris à lâche de donner l'exemple de tous les
héroïsmes, de toutes les vertus et de toutes les grandeurs :
  0 mort! délivre-moi; ta lenteur est cruelle.
  Toi seule peux guérir le blessé qui t'appelle ;
  Cadavre encor vivant j'étouffe sous les morts ;
  L'ardeur de la bataille emporte au loin mes frères,
  Nul, hormis toi, n'entend mes sanglantes prières...
  Viens arracher mon âme aux débris de mon corps.
  Que d'heures à souffrir ! Et la neige qui tombe
  Me vient ensevelir dans le froid de la tombe
  J'ai vu, planant sur moi, les vautours, les corbeaux ;
  La nuit ouvre sa porte aux oiseaux des ténèbres ;
  Les loups rôdent; j'entends leurs hurlements funèbres;
  De ma chair palpitante ils auront les lambeaux.
  Horrible fin ! Au bout de l'existence austère
  Faite aux hommes voués à l'œuvre militaire !
  Mourir seul, longuement, sans secours, sans adieu !
  Seul !... Mais non, je vous ai présent dans ma pensée,
  0 Christ ! Vous assistez à ma mort délaissée.
  Par le sang du soldat soyez béni, mon Dieu !
  Soyez béni 1 j'ai soif... La lièvre me dévore....
  Je sens crier mes os..., je vous bénis encore !
  Mon nom sans gloire, ô Christ ! est au moins su de vous ;
  Unie à votre mort, oh ! que la mort est grande !
  Louange à vous, Seigneur, qui prenez en offrande
  Le sang de quelques-uns pour fe salut de tous !
  Je meurs seul, déchiré par les bêtes sauvages;
  Mais j'éloigne des miens la guerre et ses ravages ;
  Sous le chaume natal mes sœurs dorment en paix;
  Rien ne trouble à l'autel la parole du prêtre ;
  Tout sillon, tout foyer demeure à son vrai maître ;
  Celui qui les sema cueille ses blés épais.
 Soldat, je meurs heureux ! si mon peuple et ma race
 S'accroissent dans l'honneur et si Dieu leur fait grâce.
 Je meurs pour le saint nom du pays des aïeux;
 Pour que mon drapeau, fier en rentrant dans nos villes,
 Brille, et chassant la nuit des discordes civiles.
 Rapporte la vertu dans ses plis glorieux.
  Que le sang dont j'ai teint cet héroïque emblème