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276 \ MON AMI FAVRE, 11. L'appelle qui la veut ! Qui le pourra, la dompte ! Tandis qu'elle erre à l'abandon, Si le maître venait, et me demandait compte De l'âme dont il me fit don ; Je lui dirais : « Seigneur ! Ta folle hacquenée Ruait de rage à tout propos ! D'elle à moi ce n'était qu'une lutte acharnée, Un duel à mort, sans repos ! y Pour me la rendre souple, il eût fallu, je pense, Rogner les ailes à ses flancs, River un mors de fer à son impatience, Comprimer ses naseaux brûlants ! Dans ce monde où tout être en sa marche se règle Sur l'allure de l'animal, Que faire d'un coursier qui chevauche avec l'aigle, Et qui s'emporte à l'idéal? Qui mange dans l'abîme et qui boit dans la nue, Dont l'extase est le seul chemin ; Qui, toujours aspirant une sphère inconnue, Se cabre sur le genre humain ! L'hj'pogriffe est au diable !.. Et me voilà par terre, Embarrassé dans son licou ! Ah ! s'il faut jusqu'au bout, piéton solitaire, Porter sa selle sur mon cou, Contre un instinct poussif» ô maître ! je te somme De m'échanger cette âme-ci ! Seigneur ! C'est bien assez d'une bête de somme Pour faire notre route ici ! Joséphin SOULART. 28 juillet 1855.