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                   M. VICTOR DE LAPRADE.                    483
montre-l-i! expirant dans un premier baiser? Quel est le
sens, et si je puis ainsi parler, la moralité de ce dénouement?
Tout cela m'a paru assez peu clair, et, pénétrant au-delà de
la première ligne de pensées que j'entrevois dans l'obscurité,
je me suis demandé si M. de Laprade n'avait pas voulu
peindre la poésie, puissante et radieuse tant qu'elle demeure
dans les régions de l'idéal, et se mourant d'impuissance, dès
qu'elle descend à la réalité? J'abandonne celte interprétation
pour ce qu'elle vaut; mais n'est-ce pas une Å“uvre
blâmable par quelque côté, une stérile dépense de beaux
vers qu'un tel poème où se dresse à chaque pas pour le
lecteur un point d'interrogation, et où il faut chercher, sans
la saisir peut-être, la pensée de l'auteur à travers une cascade
d'allégories ou de symboles? C'est la faute de votre intelli-
gence, me dira-l-on ; je ne le nie point. Mais Dieu a-t-il fait
la poésie pour que les intelligences vulgaires soient déshé-
ritées de ses jouissances ou de ses leçons? et l'art ressemble-
t-il à ce temple d'Isis où, près de l'autel interdit à la foule,
l'hiérophante et quelques initiés célébraient seuls les mystères
 sacrés?
   Après la mort d'Hermia, le poète s'écrie :
  Ainsi, je vis au fond des forêts fraternelles ;
  Ailleurs, dans l'ode: A un grand arbre, il dit:
  Pour ta sérénité je t'aime entre nos frères ;
  Mais il faut citer cette pièce, parce qu'elle me paraît plus
que toutes les autres empreintes de ce panthéisme de senti-
ment dont je parlais tout-à-Pheure , et qu'elle marque le
point extrême de celte déviation de M. de Laprade :
  L'esprit calme des Dieux habite dans les plantes.
  Heureux est le grand arbre aux feuillages épais :
  Dans son corps large et sain la sève coule en paix,
  Mais le sang se consume en nos veines brûlantes.
  A la croupe du mont tu sièges comme un roi,
  Sur ce trône abrité, je t'aime et je t'envie,