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« J U L E S JANIN. 309 le grave journal. Il esi vrai que celui qui disait cela, ce n'é tait pas M. Bertin, le sage et l'habile homme, ni lé grave M. de Sacy, ni M. Sainl-Marc-Girardin, c'était M. Michel Che valier, un ancien Saint-Simonien (la caque sent toujours le hareng), mais enfin M. Bertin laissait passer cela : La France est perdue sans l'association. Si M. Janin étendait au jour du danger les limites de son domaine jusqu'à la politique, il fit en tout temps justiciables de son feuilleton les plus célèbres d'entre ces crimes qui épouvantent ou attristent la société: le meurtre, le suicide, et quand un assassin, une empoisonneuse, exploitant leur immonde célébrité, publiaient leurs œuvres faites entre le crime et l'expiation, le critique bondissait de voir toucher par ces mains flétries a ces fleurs de la vie, humaniores litterœ. Misérables, leur disait-il (ou à peu près), vous ne savez donc pas ce que cela veut dire: humanioreslitterse. Pour mettre dans un livre, dans quelques pages, du style, du cœur, il faut avoir quelque chose de plus qu'humain, en quelque sorte, et vous n'avez même rien d'humain. Et a l'empoisonneuse : « Ne me parlez pas de ces fraîches matinées de votre jeunesse, de ces blanches fleurs que vous cueilliez dans le parc de Villiers-Héon. Dans ta main misé rable, je ne veux, je ne peux voir que la poudre blanche qu'implacable, inexorable, tu as versée jusqu'à la dernière heure de son agonie à ton malheureux époux. » Et M. Janin est ainsi, avec toutes ces qualités de l'honnête homme et de l'écrivain, depuis vingt-cinq ans (Tacite dit de quinze années grande cevi spalium). Vingt-cinq ans, calculez ce qu'il faut de verve, de tempérament pour suffire tant d'an- nées à ce labeur, pour être aussi alerte et en train le dernier jour que le premier, afin de retenir autour de soi la foule 'si inconstante. D'autres écrivains ont, à un plus haut degré que le critique, obtenu a certains jours la faveur du public, il s'est