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194                  NOTICE NÉCKOLOGlftUE
une vive perplexité (1). M. Victor de Laprade est malade; il ne
peut répondre à notre désir ; la plupart de nos collaborateurs
sont absents et, souffrant nous-méme, sans préparation, sans
étude, pressé par le temps, sous le poids d'un chagrin qui nous
accable encore, nous nous trouvons obligé de parler de l'ami que
nous avons perdu.

   Léon Boitel, à qui les lettres lyonnaises ont tant d'obligation,
était né à Rive-de-Gier le 6 octobre 4806. Elevé au collège de
Lyon, il avait montré de bonne heure cette vivacité d'esprit,
cette mobilité d'humeur, cette fougue d'imagination, mais aussi
cette bonté de cœur qui faisaient le fond de son caractère. Fixé à
Lyon avec son père qui était venu s'établir, comme pharmacien,
dans notre ville, le jeune Boitel montrait plus de penchant pour
la littérature que pour la science, plus de goût pour les études
littéraires que pour les arides prescriptions du codex ; il décrivit
un jour les nombreuses amertumes de sa position dans une épître
en vers adressée à M. Benoît ; cette production, empreinte de
toute l'inexpérience du jeune âge, ne manque ni de gaîté, ni
d'originalité, ni de cachet. On la trouve dans un recueil devenu
bien rare aujourd'hui et qu'il n'a pas signé. Deux ans de séjour
à Paris, où il était interne à l'hôpital Saint-Louis, en lui faisant
lier amitié avec quelques jeunes littérateurs, et en l'initiant aux
charmes de la vie littéraire, ne firent que le fortifier dans son
désir de quitter la route qu'il suivait ; à son retour à Lyon, il prit

  (l)Voici celle lettre bienveillante et flatteuse mais qui ne nous console pas.
                                   Bourbon-Lancy, 16 août 1855.
    Cher Monsieur Vingtrinicr , je suis tellement souffrant que toute espèce
de travail m'est impossible, même celui que j'aurais le plus à cœur de bien
faire , comme la notice sur notre pauvre ami Boite). Il est probable que les
eaux continueront à m'éprouver ainsi pendant toute la saison. Bien heureux
si je retrouve un peu de calme après. Je ne serai donc pas en mesure de
vous envoyer cet article en temps opportun. Bien des collaborateurs de la
Revue peuvent le faire mieux que moi, et vous les avez sous la main ; veuillez
donc en charger l'un d'eux, et exprimer à Madame Boitel tous mes regrets
de l'incapacité où je me trouve. Ce travail ne peut pas attendre, il est es-
sentiel qu'il paraisse dans le prochain numéro. Je trouverai bien plus tard,
et je saurai faire naître une occasion de payer à la mémoire de notre ami
le tribut de regret et de sincère affection qu'il a mérités de nous tous, et que
je lui avais voués bien particulièrement.

  Adieu, Monsieur et cher Directeur , je vous serre bien cordialement la
main.                                         Victor de LAPRADE.