page suivante »
312 M. JULES MNIN. Pendant,.quinze ans, peut-être plus, M. Janin a été suivi par une bande d'insulteurs. Un jour un d'entre ces condot- tieri de la plume l'appela le Prince des critiques. Les Galu- chet, les Tartempions du Charivari et du Corsaire, en ont l'ait des gorges-chaudes. Des traînards de la littérature, il n'en est pas un seul qui ne soit venu s'agenouiller dérisoire- ment au pied de cette renommée et lui présenter l'absinthe en disant : « Je te salue, prince des critiques. » Cependant, le critique allait son chemin. Qu'avait à faire sa plume fine et acérée a rencontre de ces plumes trempées dans le fiel ou dans la boue. « Le plus rude châtiment que puisse infliger un galant homme a ces violences sans portée, à coup sûr c'est de les ignorer... Vous avez un ennemi qui vous blesse, ignorez la blessure et ne parlez pas de celui qui l'a faite. Ne dites rien de cet homme ni en bien ni en mal, qu'il soit absent de vos discours, de vos écrits, de votre pensée, et si, pendant de longues années, vous entourez cet homme, mort pour vous, de ce silence dédaigneux, vous trou- verez en fin de compte que vous êtes trop vengé (1). » Un jour, toutefois, M. Janin fut contraint d'embrasser les autels de la Justice. Une plume violente, haineuse, mais bien taillée et habile, était allée, dans un pamphlet, jusqu'aux der- nières limites de l'injure. M. Félix Pyat, l'un des auteurs ftAngo, faisait depuis douze ans expier, par ses attaques passionnées dans la petite presse, a M. Janin qui était autre- fois son ami, le crime irrémissible d'avoir défendu le sens commun, la justice, la vérité et l'histoire outragés dans ce drame : quand le critique eut l'audace de trouver fort mé- diocre une tragédie de M.-J. Cliénier malencontreusement l'éprise par le Théâtre-Français. M. Pyat alors ne garda plus aucune mesure envers ce pygmée qui ne se jetait pas à ge- noux devant le géant de 1793 : tout ce que les mauvaises (1) T, 1, p. 165.