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310 M. JULES JANIJX. fait plus de bruit autour de quelques renommées. Mais cher- chez maintenant ces hommes dont les noms étaient, il y a dix, quinze, vingt ans, dans toutes les bouches, ces hommes qui tenaient attentifs à leurs paroles et le père et la mère, et le fils et la fille, que sont-ils devenus ceux auxquels ce bon peuple français, que dis-je? l'Europe venait dire : oh! de grâce ! contez-nous un de ces contes que vous contez si bien? Hélas ! conteur et contes sont oubliés, usés, vieillis ; les bonnes lames de Tolède, les sang-mort-Dieu, damnation, tout cela est disloqué ou rouillé. La jeune génération ne connaît guère plus Antony et Angèle que les romans de Ducray-Duménil ou la Clèlie de M"c de Scudéry. Et n'est-ce pas justice que l'oubli soit venu couvrir de son linceul quand il est encore dans la force de l'âge un de ces hommes surtout (1) qui aurait pu vivre immortel s'il n'eût préféré le métier des lettres au culte de l'art. Vous aviez de l'or entre les mains, pourrait-on dire " cet écrivain, de quoi faire quelque chose a d'éternel, une statue impérissable, vous avez mieux aimé la- miner cet or, le réduire en feuilles légères pour couvrir de grotesques statues de bois ou de carton, venues on ne sait d'où. Pourquoi vous étonnez-vous qu'il ne soit resté de cela après quelques années que des choses informes qui n'ont pas même de nom. A l'époque où florissaient partout, et hélas! dans ce même Journal des Débats, les héros du roman moderne (2). Un autre que M. Janin se fût désespéré et eût brisé sa plume en voyant ce peuple athénien maudire le feuilleton du critique et sa charmante causerie qui venait interrompre lefildu roman. « Que m'importe à moi que celui-ci nous raconte en son brillant style la comédie d'hier ou le rêve de son esprit, que cela me fait-il a moi qui ne demande. qui ne veux savoir yl'j M. Dumas. (2) Les Mystères de l'iuis oui ele publies clans le Journal îles Déliais.