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300                           M. JULES JANIN.

« propos des récits de ces horribles journées il me semble que
« je suis le seul coupable des crimes que je raconte, quand je
« relis le récit sans façon d'une si grande catastrophé, etc.»
    Peu de temps après il abandonna tout à fait la politique
et prit en main, pour ne plus la quitter, la plume du critique,
illustrée par Frèron, Geoffroy, Becquet, Nodier et Duviquet.
Il ne chercha pas longtemps sa manière, il la trouva tout
d'un coup.
    Lisez son premier feuilleton, vous y trouverez, comme
dans celui de la semaine dernière, ce style vif, preste, sau-
tillant, narquois, bonhomme souvent, plein d'entrain, de
charme et de spontanéité. Ce style, vous pouvez le comparer
à tout ce qui charme et éblouit; tantôt il pétille comme un
feu d'artifice; tantôt il mousse comme du vin de Champagne.
On peut dire de M. Janin ce qu'il a dit lui-même de Marivaux :
« Il est lui, non pas un autre, il n'imite personne, il n'imite
« ni l'ingénieux, ni le fini, ni le noble d'aucun auteur ancien
 « et moderne, il a ce qui sauve l'écrivain de l'oubli, l'origi-
« nalité du style. »
    Sous cette allure libre et dégagée on ne dut pas voir tout
d'abord les sérieuses qualités de l'écrivain, le bon sens ex-
quis et la justesse, et il me semble avoir entendu dire a un
vieux lecteur du journal, habitué a la critique sobre, métho-
dique et précise de Geoffroy ou de Duvicquet : voilà un sin-
gulier gardien des saines doctrines littéraires que ce nouveau •
venu là, qui porte son bonnet sur l'oreille, ne demandant que
la première occasion pour le jeter par dessus les moulins.
On ne doit rencontrer que sur le chemin de la joie et de la
bombance ce disciple de Rabelais, novice ou profès en l'ab-
baye de Thélème. Je ne sais s'il connaît l'antiquité ; si par
bazard il a lu Horace il n'en a reténu que le
    Nunc est bibendum, mmcpede libero,
    Pulsanda tellus (1).
  (1) Horace, odes, livre i or , s r o n