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208 PLATON ET SAINT AUGUSTIN. prochant des passages du Timée et du mythe de Ja République avec les chapitres où saint Augustin explique la cause de la chute des anges et du premier homme, M. Saisset nous montre que tous deux s'accordent encore à faire dériver le mal moral de l'abus de la liberté , de la créature et non du créateur. Tous deux aussi, dans la créature elle-même, conçoivent le mal, la vo- lonté mauvaise, non comme une essence réelle, où même comme une action positive, mais plutôt comme un défaut d'action. L'estime de saint Augustin pour Platon paraît peut-être plus encore dans la morale que dans la métaphysique, d'autant que pour tous les autres philosophes il se montre d'une sévérité qui va souvent jusqu'à l'injustice. Le grand reproche qu'il leur adresse, c'est de chercher dans l'homme le souverain bien de l'homme. 11 fait particulièrement la guerre au stoïcisme dont il semble plus redouter l'orgueil que la mollesse et la volupté des Epicu- riens. Passant en revue chacune des quatre vertus que les stoï- ciens enseignent d'après Socrate et Platon, la prudence, la justice, le courage, la tempérance , il montre que ce ne sont que vertus fausses et stériles, étant séparées d'un principe supérieur de perfection et de félicité. Mais en regard de cette sévérité, combien n'est pas significative l'adhésion expresse qu'il donne aux principes moraux de Platon ! Selon saint Augustin, tandis que tous les autres ont échoué , Platon seul a connu la fin dernière de l'homme, seul il a enseigné de véritables vertus et de véritables devoirs. Il a connu la fai- blesse de l'homme en même temps que sa grandeur et, au-dessus de toutes les vertus purement morales, il a placé la vertu suprême, la piété qu'il appelle l'amour et l'imitation de Dieu. Mais il faut citer saint Augustin lui-même : « Que tous les phi- losophes le cèdent donc aux Platoniciens qui ont fait consister le bonheur de l'homme, non à jouir du corps et de l'esprit, mais à jouir de Dieu... Le souverain bien, pour Platon, c'est de vivre selon la vertu , ce qui n'est possible qu'à celui qui connaît Dieu et qui l'imite, et voilà l'unique source du bonheur. Aussi n'hé- sitc-t-il point à dire que philosopher c'est aimer Dieu, etc (1). » (I) Cité de Dieu, liv. vm, cllap. 8.