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                            BIBLIOGRAPHIE.                            159
qu'une force irrésistible l'entraîne à se répandre au-deliors; mais
est-il donc besoin de donner une telle direction à ces épanche-
ments qui énervent le talent et débilitent l'intelligence? Quelle
fatalité, quel acharnement tiennent nos jeunes écrivains, les yeux
fixés, les mains étendues sur ces plaies hideuses, non pas pour les
guérir et les cicatriser, mais pour les torturer, les fouiller et se pé-
nétrer de leur contagion! Qui de nous ne rencontre, dans ses retours
au passé, le souvenir de quelque ami mort au contact de ce monde
infâme que l'on célèbre aujourd'hui? Mieux vaudrait cent fois
des obscénités crues et franches que ces tableaux d'autant plus
dangereux qu'ils s'adressent au cœur aussi bien qu'aux, sens, et
qu'ils cachent sous une décence apparente de langage la véritable
obscénité morale. Rabelais n'a jamais corrompu personne , tan-
dis que ces analyses froides et patientes des replis les plus cachés
du vice , souillent l'âme, la dégradent, troublent ses divins
instincts, et lui donnent des curiosités fatales dont la satisfac-
tion l'éteint, l'abaisse et la ruine.
   Laissez ces femmes, laissez ces filles de plâtre, dont l'âme est
aussi fardée que le visage. Ces fades créatures, dont le cœur est
un égoùt et qui en ont les replis visqueux et fétides, ne se
croient poétiques que par vos adulations. Depuis cette litté-
rature Camélia, Fille de marbre, Demi-Monde, il n'est pas une
de ces filles, si inepte, si idiote, si stupide soit-elle, qui ne se croie
tenue de se repaître de cœurs et de s'offrir des sacrifices humains ;
ne profanons pas sur d'aussi indignes sujets la sainte poésie.
   Et si les poètes nous disaient : le devoir de la critique n'est
pas de s'occuper du sujet du livre, mais de la manière dont ce
sujet est traité, nous leur répondrions : choisissez ; voulez-vous
qu'on vous lise superficiellement et qu'on jette vos petits vers
avec tant d'autres que leur sujet même condamne à l'oubli, ou
voulez-vous qu'on étudie votre pensée plus profondément que
vous-même et que l'on cherche si vous êtes de vrais poètes capa-
bles de (aire quelque chose de grand? La question est là pour
vous. Si l'on s'en tenait à vos douleurs d'épiderme , à vos bon-
heurs mesquins, on ne s'occuperait pas de votre livre. Il y a là
de jolies choses, gracieuses, bien dites; mais il n'y a pas le