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160                      BIBLIOGRAPHIE.
souffle profond de la poésie et ce je ne sais quoi qu'il semble
que ceux qui ont vraiment aimé et vraiment souffert peuvent
arracher du fond de leurs entrailles.
   Il y a, dans le livre de M. Morin-Pons, quatre pièces qui in-
diquent l'étoffe d'un poète,- ce sont Au même, Y Idéal, Inquié-
tude, et surtout Sur ta mort du Christ. Le reste est d'un versifi-
cateur facile, mais poussant souvent la négligence à l'extrême.
L'Argent est une boutade énergique, mais peu sérieuse, Andréa
sent le pastiche ; d'autres pièces ont dû être faites au collège.
   Le vers de M. Morin-Pons est coulant, facile et susceptible, par
moments, de chaleur et d'émotion. Avec l'étude et surtout par
la lecture des grands maîtres modernes et contemporains, l'auteur
deviendra certainement possesseur de la forme arrêtée et com-
plète, du coin qui marque le vers d'une effigie magistrale. En
choisissant des pensées larges et hautes pour les revêtir de cette
forme acquise, M. Morin-Vons arrivera, nous n'en doutons pas,
à un rang des plus honorables dans la littérature de notre temps.
   Nous devons toutefois lui dire qu'il ne se tient pas toujours en
garde contre les épithètes et les locutions banales qui rôdent
constamment autour de la plume du poète, et cherchent à se
glisser dans son vers, en lui présentant l'appât d'un sonore
hémistiche ou d'une rime facile. Il y a le lieu commun de l'ex-
pression comme le lieu commun de la pensée ; tous les deux sont
la plaie de la littérature. Le lieu commun est plat, il est bête, il
étale au milieu d'une belle page sa face stupide et ses yeux ronds,
comme un crapaud égaré qui flotte en plein soleil sur une nappe
d'eau limpide. On s'est raillé justement des éternelles et solen-
nelles métaphores du journalisme ; les expressions rebattues de la
poésie ne sont pas moins ridicules , et ce qui est pardonnable au
travail hâtif du journaliste ne l'est pas au labeur sérieux du poète.
   Nous citerons : la rose à peine éclose où le papillon se pose ; —
l'œil d'azur chaste et pur, — l'amour aux aîles d'or, — les chanls
d'amour en ce jour, — les larmes amères, — la tombe solitaire,
— la fière sultane sur Vottomane, etc. Le substantif et l'adjectif,
son inévitable complice, semblent rivés l'un à l'autre et traînent
ensemble le boulet du ridicule. D'autres accouplements de mots