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BlKLIOGIUVlUti. J57 nion d'esprit par le moyen du livre. Tous les habitants de Vienne connaissent le nom de M. Ponsard et sont fiers des succès de leur compatriote ; Nîsmes se vante de son poète Reboul ; eh bien ! M. de Laprade, une des sommités poétiques de notre temps, un talent radieux et pur, M. de Laprade est plus connu à Paris qu'à Lyon, sa ville natale. Un jour viendra, sans doute, où notre cité, qui régénère, en ce moment, avec tant de splendeur, sa forme matérielle, secouera celte torpeur de l'âme et deviendra ce qu'elle doit être, un des foyers de lumière du monde intellectuel. Il suffira, pour cela, qu'elle détourne, au profit des choses de l'esprit, une partie de l'immense courant d'intelligence dirigé par elle sur sa magni- fique industrie. En attendant, sachons gré aux poètes qui ne perdent pas courage et qui continuent leur œuvre en se résignant d'avance à l'indifférence du plus grand nombre. M. Morin-Pons est l'un de ces poètes. M. Morin-Pons a intitulé son livre : Heures de Paresse. Il y a deux ans, un ouvrier de notre ville, M. Perrin fils aîné , homme privé d'une éducation première, mais intelligent et tourmenté par les rê- veries qui naissent au sein du travail, fit paraître un modeste recueil où se trouvent de gracieuses inspirations sous ce titre : Temps perdu (1). Il n'est pas sans intérêt de rapprocher ce titre de celui qu'a choisi M. Morin-Pons. L'ouvrier, le canut comme il disait dans son livre, et l'homme de loisir ont abrité tous deux sous un frontispice semblable leurs essais poétiques. Seulement, pour l'ouvrier, le Temps perdu était bien perdu réellement ; c'était le temps dérobé au travail, à la vie de chaque jour ; c'était quelque- fois le temps dur du chômage. Pour M. Morin-Pons, ces trois mots Heures de Paresse ne semblent-ils pas un peu dédaigneux d'eux-mêmes et de la poésie ? Le mérite de M. Morin-Pons consiste principalement dans la netteté et dans la précision de ses petits poèmes. Ses strophes, d'une coupe souvent heureuse , veulent toujours exprimer une idée, et font comprendre ce qu'elles veulent dire. Le lecteur n'est pas obligé de s'y reprendre à deux fois pour se rendre (1) Voir la Revue du Lyonnais du 30 avril 1853.