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460 ÈTATS-GÊNËRAUX DE 1588.
d'émouvoir et de soulever les masses populaires ne fait pas de
progrès sensibles d'un siècle à l'autre.
Enfin, on retrouve dans la conduite de Henri III une imita-
tion parfois très frappante des procédés de résistance de Char-
les de Normandie. Même disposition à gagner du temps et Ã
escompter l'avenir au profit du présent; même habileté à éga-
rer par d'insidieuses promesses l'impatience et les projets des
factieux. Mais ici s'arrête l'assimilation. Insulté chaque jour
parlesclameurs d'une populace plus turbulente que décidément
séditieuse, pressé par les embarras toujours croissants d'une
guerre étrangère, et lieutenant général d'un roi captif, Char-
les n'avaitde salut à attendre que du temps; faible, impuissant
et prisonnier dans son propre palais, son salut dépendait des
excès de ses adversaires et du retour des Etats à des sentiments
monarchiques que leur inexpérience leur avait fait méconnaître
bien plus qu'abandonner. Henri, poussé à bout de voie par une
faction solidement organisée, habilement dirigée, et dont les
desseins s'étaient manifestés avec évidence dans la fameuse
journée des Barricades, Henri perdait la couronne et peut-
être la vie, sans le coup de main hardi auquel il eut recours :
l'attentat du 23 décembre fut la réaction de la faiblesse
et le courage de la peur. Le véritable tort de ce prince fut
d'avoir, par l'excès de sa mollesse et de son imprévoyance, laissé
sa position s'aggraver à tel point qu'il lui fallût opter entre le
crime et l'ignominie. Mais ce grand coup lui-même épuisa
ses efforts. Si, marchant sur Paris immédiatement après la
mort du duc de Guise, il eût profité pour réduire cette cité
rebelle delà consternation profonde qu'y avait produite cet acte
de vigueur, nul doute qu'il n'eût abattu la puissance de la Li-
gue et raffermi sur des bases inébranlables son autorité p r é -
caire et chancelante. Sa lenteur, ses tâtonnements le perdi-
rent, et laissèrent au fanatisme déchaîné le temps d'aiguiser le
poignard de Jacques Clément.