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368 ODES ET POÈMLS. inconnu, nous nous sentons plus à l'aise pour parler du der- nier livre que notre compatriote vient de publier. Nous sommes d'un siècle ou les avortemenls n'ont pas man- qué, où la précocité des vocationslittéraires a été comme un signe de leur faiblesse; que d'astres se sont levés couronnés des plus riches espérances et qui n'ont eu qu'une aube et point de midi ! Nous ne voulons nommer personne, mais nous constaterons seulement que M. de Laprade a fort heureusement échappé à cette loi de stérilité qui pèse sur la jeunesse de notre âge. Tandis que les uns ne pouvaient s'arracher aux séductions de l'imitation si puissante sur les natures débiles, tandis que d'autres s'éteignaient dans l'obscurité de récidives sans gloire, M. de Laprade a dirigé avec succès son originalité féconde dans les voies les plus diverses. C'est que pour peu qu'on ait lu avec attention soit le poème de Psyché soit le volume d'Odes et Poésies, on se convainct aisément qu'il n'est pas dans la même voie que la plupart de ses rivaux ; on comprend la nou- veauté de sa manière par la nouveauté de son inspiration. Pour se rendre compte de l'originalité d'un poète et du rang qu'il est appelé à occuper dans la littérature de son pays, il est nécessaire de ne pas s'enfermer dans un horizon exclu- sif, de ne pas tenir les yeux constamment fixés sur l'œuvre qu'on étudie ; car on risquerait de ne saisir ni les analogies ni la différence de cette œuvre avec celles qui l'ont devancée ou qui l'entourent. Nous ne ferons que répéter une chose vraie, en affirmant que la poésie de notre siècle a été surtout subjective, voulant dire par là qu'elle est essentiellement personnelle, individuelle, élégiaque. Le poète subjectif est surtout attentif à l'émotion actuelle, il se dit : voilà ce que je sens. 11 est d'autres poètes qui disent: voilà ce qui est. Ce sont les poètes objectifs. Nulle littérature au monde n'a peut-être été aussi profondément subjective que la littérature moderne. On peut dire sans exagé-