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                      ODES ET POÈMES.                     377

 nous ne lui en faisons certes pas un reproche, quoique, à
 vrai dire, au dessert, entre la poire et le fromage, l'huma-
 nité nous semble une rime beaucoup moins harmonieuse à
l'oreille des convives que le nom charmant de la peu cruelle
 Lisette.
   Nous ne savons pourquoi la critique qui s'est montrée si
hostile à toute apparence de symbolisme et de socialisme n'a
pas en même temps manifesté sa mauvaise humeur contre
une faculté qui ne doit pas lui être chère et que M. de La-
prade possède à un haut degré, nous voulons parler de la fa-
culté métaphysique. Nous savons bien qu'il y a en France
bon nombre d'esprits, même cultivés, auxquels on ne persua-
dera jamais qu'en poésie la métaphysique puisse être bonne
à quelque chose. Il faut pourtant en prendre son parti. Les
critiques protesteraient en vain contre celte muse nouvelle au
front sérieux, qui regarde le ciel en feuilletant Platon. Elle a
aujourd'hui droit de cité. Son influence môme se fait sentir
jusque dans les questions de forme poétique. Elle spiritua-
lise la matière. 11 y a tels vers des Odes et Poèmes qui sont in-
térieurement éclairés par son jour vague et pareil à celui que
laisse passer l'albâtre dépoli ; tels autres dont les contours
sont agrandis par sa lumière étherée. Mêlée discrôtemenl aux
choses de pure imagination, elle leur donne une saveur sin-
gulière ; relève comme un sel étrange, ici, les couleurs affadies
d'une description, là, les grâces vieillissantes de la mytholo-
gie païenne. Nous ne sachions pas qu'aucun poète l'ait jusqu'à
ce jour employée avec autant de bonheur et ait manié la lan-
gue philosophique avec autant d'habile clarté.
   Mais la métaphysique lient surtout à l'essence môme de
la poésie. Qu'est-elle en définitive, sinon la faculté d'aller au
fond des choses , au substralum, sans s'arrêter aux phéno-
mènes. Elle est donc le but du poète tout comme celui du
philosophe. Car philosophe et poêle ont la prétention de tou-