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jambe. — Je le jetterai demain à la mer, dit Madme de K. —
Non, je tiens à le conserver, je n'ai point à rougir d'avoir porté
 ce signe d'infamie, je le confie à votre garde. — Etonnée, elle
 le regarda sans lai répondre. — Vous consentez, n'est-ce
pas ? — Il le faut bien, dit-elle. — Soyez tranquille, je vien-
drai vous le réclamer. Maintenant vous avez besoin de repos ,
couchez-vous; il ne faut pas que votre femme de chambre
 vous trouve levée, ne changez rien à vos habitudes. Votre ca-
binet de toilette me servira de prison pendant la journée qui
va s'écouler, soyez assez bonne pour ne pas m'y laisser mou-
rir de faim. Adieu, Madame.
   Fatiguée, brisée par les agitations de la nuit, Madme de K.
s'endormit enfin, non sans trembler à l'idée du danger auquel
elle exposait son mari, si l'on venait à découvrir qu'elle avait
donné asile à un condamné que la justice réclamait. Il était
tard quand elle se réveilla, le commandant de K. était arrivé de
la ville où l'on s'occupait beaucoup, dit-il, de l'évasion d'un
forçat, fils unique, assurait-on, d'une des plus anciennes
familles du Portugal ; il a été accusé de vol par le mari d'une
femme dont il était l'amant, on ne sait pas encore tous les dé-
tails ; bref, il s'est échappé hier soir ; ce matin on a tiré le
canon, hissé le pavillon noir, et sûrement on le retrouvera s'il
n'est par parti par mer. Qu'on juge des tourments de Madme
de K. pendant ce récit ! La journée s'écoula pour elle dans des
alïarmes continuelles. Enfin son mari repartit, la nuit vint,
elle put rendre la liberté à son prisonnier. — Je vais vous
quitter, lui dit-il, pardonnez-moi la peur que je vous ai faite,
les inquiétudes que je vous ai causées ; vous m'avez sauvé la
vie, ma gratitude sera éternelle. Adieu ! lorsque je vous re-
verrai , je pourrai, je l'espère, vous témoigner hautement ma re-
connaissance ; adieu encore une fois. Votre main ! — Elle la
lui tendit, il y déposa un respectueux baiser, et escalada la
fenêtre ; mais revenant sur ses pas : ne cherchez pas ceci, dit-