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   forts. Non, cette tombe ne m'attriste point; c'est le seuil qu'il
   faut franchir pour me réunir à ma tante : quand on y portera mes os,
  déjà vers elle aura volé mon ame, hors des atteintes de la douleur
  et de la mort.
      Quelquefois, durant mes promenades, je m'arrête à considérer
  les inscriptions, qui abondent à l'entour sur ces tertres. Il en est
  qui ne retracent de celui qu'elles récèlent que l'âge et le nom. Chose
  singulière! ceci m'intéresse. Le nom; j'ignore pourquoi, si ce
  n'est qu'à tel nom je prête involontairement des traits plus ou moins
  aimables, et faisant dériver de ses traits des qualités de cœur, des
 circonstances dans la vie, des peines ou des joies, la richesse ou la
  misère, déjà cet inconnu attire mieux cette sympathie que si j'igno-
  rais jusqu'au nom qu'il porta. Mais l'âge, il parle mieux encore.
 L'âge sur une tombe a un éloquent langage : il dit si ce mortel fut
 retirédu milieu des plaisirs, saisi dans l'ivresse de ses jeunes ans,
 arraché aux bras d'une mère, d'une amante; ou si, déjà parvenu
 aux limites extrêmes d'une longue vie, cœur éteint, fardeau inutile,
 il ne fit que passer d'une torpeur caduque au sommeil du sépulcre.
     Parmi ces marbres il en est un qui m'attira dès mes premières
visites en ce lieu, et ce qu'il y a de bizarre avant même que je com-
prisse le sens des lignes qui y sont gravées, car elles sont écrites en
allemand. A la vérité, ayant appris, dans mon enfance, quelques
mots de cette langue, j'avais pu déchiffrer la première ligne : c'é-
tait une pensée d'une extrême simplicité, mais elle empruntait du
lieu où je la lisais, et de la disposition où je me trouvais moi-même
un attrait mélancolique que je ne lui eussse point trouvé ailleurs.
C'était ce vers :
             Bas Leben gleicht der Fruhlingsblume...
    " La vie ressemble à la fleur du printemps. » Bien vrai ! bien
tristement vrai ! disais-jeen moi-même, et rapprochant ces mots de
divers emblèmes sculptés dans la marge de l'inscription, j'arrivai à
me peindre, sous l'image de cette fleur, je ne sais quelle aimable
fille se fanant au milieu des hommages, penchant vers le sol, y ap-
portant sa froide dépouille, lorsqu'un nom propre, que je pus lire
dans les vers suivants, fixa ces suppositions C'était un nom de fem-