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llet de ce feu dont brûlait Sapho, et que sa lyre plaintive savait
rendre en accords immortels.
    Nous tombons bien bas après Rousseau : non pas qu'il ait
fait briller à nos yeux la beauté idéale de l'ode et de l'hymne,
mais du moins l'art et une savante harmonie ne déplaît point
chez lui à défaut de l'essor inspiré d'une imagination libre et
sans frein. Cette habile combinaison du rhythme disparait chez
ses premiers successeurs, ou ne s'y laisse surprendre qu'à de
rares intervalles. Parlerons-nous ici de Lamothe, dont les odes
littéraires et philosophiques sont tout ce qu'il y a de plus an-
tipathique à la poésie? Pensées morales, réflexions senten-
tieuses, préceptes de la raison et de la sagesse, voilà pour lui
ce qui anime, ce qui enflamme le poète. Jamais personne n'a
mieux que lui

         Su proser de la rime et rimer de la prose.

Jamais non plus poète plus prosaïque n'a inspiré des vers
plus mauvais que ceux-ci de Bernis, autre ridicule bouffon et
plat parodiste de la poésie lyrique :
              Plus philosophe que poète,
              Il touche une lyre muette.
              La raison lui parle : il écrit.
              On trouve en ses strophes sensées
              Moins d'images que de pensées,
              Et moins de talent que d'esprit.

Voltaire lui-même, l'homme prodigieux du dix-huitième
siècle, a profané l'ode comme à peu près toutes les choses
belles et majestueuses qu'il a touchées. Il a eu le malheureux
plaisir de faire servir la poésie lyrique à ses haines, à ses ca-
prices, à sa présomptueuse et satirique ignorance. D'ailleurs
il faisait déjà des odes lorsqu'il ne s'appelait encore que Fran-
çois Arouet, étudiant en rhétorique, et pensionnaire au col-
lège de Louis-le-Grand. Celles-là et quelques autres qu'il