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Jusqu'à l'étroit vallon fermé d'un mur romain,
Si connu de nous deux, je suivis le chemin,
Et de là pour seul guide ayant le pic sublime,
Sur un sol non foulé j'allai de cime en cime.
La lumière en tons chauds jouait sur les hauteurs ;
Mes pieds dans les taillis soulevaient des senteurs,
Je marchais dans les buis, les houx et les genièvres:
Pour seuls bruits au lointain les clochettes des chèvres,
Et le cri de la grive entre les chênes-verts,
Et le vent dans les pins semblable au bruit des mers.
   En montant, je cueillais un peu de chaque arbuste,
Et quand j'eus du rocher atteint la crête auguste,
J'y posai mon bouquet religieusement.
Je sentais du désert le saint enivrement ;
Avec l'air, et par flots odorants et sonores,
L'esprit de vie entrait en moi par tous les pores.
A genoux, je pleurai pour que Dieu nous bénit,
Ma bouche se colla sur le sacré granit,
Je priai sans parole, et mon baiser austère
S'imprima sur ton front, ô ma mère la terre!
Enfin je me dressai ; de mes bras grands ouverts
Sur ce trépied géant j'embrassai l'univers ;
Comme un prêtre épanchant l'extase qui l'inonde,
J'envoyai mes baisers aux quatre points du monde ;
Quatre fois saluant et changeant d'horizon,
De notre Père au ciel je redis l'oraison,
Et, m'unissant d'amour à la nature entière,
A longs traits j'aspirai la vie et la lumière ;
Puis je courbai mon front sur mes deux mains en feu,
Et mon ame un moment s'anéantit en Dieu.




« Penche-toi sur mon cœur, toi d'où l'être ruisselle,
Verse à flots de tes yeux les fluides vivants ;