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492 il en montrant un mouchoir brodé, le forçat vous le vole ! il ferma les volets, et disparut. Le lendemain, le jardinier vint d'un air mystérieux avertir M. de K. qu'il avait trouvé des empreintes de pieds d'homme sur le sol détrempé par la pluie, sous la fenêtre de Ma- dame, et au travers du jardin. Jaloux par instinct, ombrageux et méfiant par habitude, M. deK. avait longtemps tourmenté sa femme par d'injustes soupçons, que sa vertueuse conduite avait pourtantfinipar dissiper ; à l'aspect des traces délatrices de la visite de l'inconnu, ils se réveillèrent avec une nouvelle force. — Les chiens n'ont donc pas aboyé ! — Madame les avait fait rentrer à cause du mauvais temps ; et alors les vo- leurs ont eu beau jeu ; si toutefois ce sont des voleurs, ajouta le jardinier d'un air qui voulait être fin. — Ces mots portèrent l'exaspération de M. de K. à son comble; effrayé de sa colère, le jardinier finit par avouer qu'il avait vu, la veille, fort tard dans la soirée, un homme sortir par la fenêtre de Madame.—Je n'ai pas compris ce qu'ils se disaient tant ils parlaient bas, mais j'ai vu qu'il lui a baisé la main ; tout de même ce pourrait bien être un voleur, car il a caché dans son gilet comme qui dirait un des beaux mouchoirs tout de dentelles de Madame. Ivre de fureur et de jalousie, M. de K. partit sans revoir sa femme. Il n'ignorait pas que lorsqu'il obtint sa main elle aimait son neveu; et, quoique, depuis son mariage, elleeutéloi- gné Roger par tous les moyens en son pouvoir, une sorte de pressentiment secret l'avertissait qu'elle l'aimait encore. A son arrivée à Toulon, un malheureux incident fit naître une fatale conviction dans son esprit prévenu. La Circé, qu'il croyait partie depuis deux jours, retenue en rade par le mau- vais temps, venait seulement de tirer son canon de partance. Tout alors lui parut expliqué ; le mystérieux visiteur de sa femme n'était autre que Roger ! le fait lui sembla si positif qu'il écrivit à l'instant à sa belle-mère qu'il chassait sa fille,